"La nuit du chasseur" ( suite de ressac)

[hrp] n'ayant pas de réponse de Saedroth je me permet donc de poursuivre ceci https://hollowdream.forumsrpg.com/TOME-UN-Les-bois-de-l-Est-c2/La-Clairiere-f6/ressac-t391-15.htm [/hrp]

- Où tu vas !!!!! Reviens ici je t’ai DIS !!!!

Il est maintenant campé sur ses jambes repliées, ramassé, le kriss dans le prolongement de son bras comme une griffe démesurée.
Le kriss possesseur de l’âme est un guide pour celui qui sait l’écouter.
Et l’âme connaît la victime.
Et suis son chemin.

Haine.
Colère.
Des images fracturées
Brouillées
Brûlées
Haine.
Des mots qui s’effondrent comme des pans de murs.

- Plus on tue plus la gourmandise t’encourage à continuer.
La gourmandise, si personne ne la punit, elle ne t’abandonne jamais.
Elle se voit dans tes yeux exorbités par le sang que tu verses.
Tu t’accoutumes à tuer, tu t’habitues, tu tues sans t’arrêter.
Tu deviens un animal.
Tu es moins qu’un animal.
Tu n’y fais pas attention.
Tu en as besoin.

Du sang goutte doucement dans son dos

- Tu deviens de plus en plus méchant, de plus en plus calme, de plus en plus saignant, de plus en plus tueur, tu ne sais plus que tu es un tueur. Tu tues avec naïveté maintenant, avec nonchalance, avidité.
Ta folie roule sur ses rails, tu coures et tu t’écartes et tu suis et tu n’écoutes plus rien, tu oublies ton intelligence, tu ne croises plus une idée, tu chasses et tes bras commandent ta tête et ta tête ne dit plus un mot. Et tes jambes, fléaux obéissants, avalent ces chemins que tu croises. Les vivants tu les oublies dans la mort que tu leur destines.

Du sang roule lentement le long de ses vertèbres.


- Le sang, le sang et son odeur tenace, sa couleur indélébile.

Il pénètre le faisceau serré d’arbres, sinue entre les troncs tordus et noirs, et ses pieds lourds s’enfoncent dans la neige épaisse, parfois il glisse sur une plaque de verglas qui lui fait perdre les traces de sa proie, quelques minutes, quelques secondes de rage intense où il croit perdre raison où il cherche avec un air furibond quelque chose, une marque, infime, de celui qu’il poursuit, qu’il finit toujours par trouver, et dans la tension qui l’étreint tout fait signe. Parfois il redresse la tête contemplant avec hargne cette étendue infinie où il a été jeté et où tout se ressemble, un paysage hostile à la mesure de son être, familier, aiguisé comme une lame. Des branches nues, rachitiques, se tendent vers lui, mendiants hagards, délaissés, tandis qu’une brume épaisse accroche à leur écorce rugueuse ses boules de coton sale, comme un substitut de chair qui s’arrime aux noirs appendices ou des bandages de fortune, mal ajustés couvrant leurs vilains moignons. Ici encore les champs de guerre imposent leur tyrannie dans l’esprit du psychiatre.
Il invoque et désire encore le danger et la mort, le goût de la guerre est si profondément ancré dans ses entrailles, y croissant et se ramifiant comme une lierre centenaire dans la totalité de son être.

- Viens, animal.

Il poursuit maugréant dans sa barbe quelques paroles déraisonnables, faisant aveu à chaque pas qu’il cherche cette fin qu’il a tant désirée et pourtant qu’il a oublié. Que s’éteigne enfin cette affreuse révolte qui le tient debout, en vie, dressant sa colère et qui le réveille toujours quand il croit enfin trouver la paix du sommeil.

- J’arrive du temps profond où le mal a sa source.
Je viens du pays où gît l’impardonnable.
Où rien ne peut être partagé.
J’habitais à la lisière des humains moi aussi, animal.
Ce monde m’a déchiré, mais j’en dévore à mon tour les sinueux poisons.
Vipères…
Couleuvres….
Encore le tumulte.
Je reconnaîtrais partout ton odeur ferrugineuse,
Tu es couvert de sang.
Tu as souffert. Toi aussi.
Je sais.
Pourquoi aurais-tu fuis, toi qui as bien plus de puissance que nous autres.
De sang.
Que fuis tu….
Où tu m’entraînes ? Où tu me conduis ? Dans des lieux que la mort recouvre déjà de son pelage sans couleur.
Tu détales.
A la lisière je te verrais encore courir, longtemps, peut être sans te rattraper, je me fondrais tout entier dans cette exactitude qui fait de ta course un pur fleuve de chair où je vais m’immerger, dans ta course délivrée d’effort, bestiale, monstrueuse.

* ou... tu me tues.... ou tu me délivres du gibier mort qui me hante....

Il suit Drakko de près maintenant. A l'affut. L'enfoiré qui a fait ça pourrait tout aussi bien s'être tapi en embuscade dans les broussailles enneigées, prêt à estourbir l'ancien... ou à le blesser lui. Il faut un peu plus qu'une gorge tranchée pour arrêter un Saedroth. Tout comme les morts vivants de films d'horreur, il encaisse sans broncher de quoi réduire un humain en charpie sanglante. Il s'était sorti d'une chute de deux étages dans un manoir transformé en brasier, s'était colleté avec une Bête dans la foulée et avait survécu. Alors c'était pas une pauvre Chimère toute téméraire et rapide qu'elle soit qui allait lui causer des emmerdes bien longtemps.

Il était furax. Blessé dans son amour propre. On venait de le défier. On venait de lui faire un bras d'honneur devant témoins, à lui, au Renégat, à la Chimère qui faisait flipper la moitié de cette foutue vallée. Il n'avait plus l'habitude de s'écraser et de se montrer raisonnable dans ce genre de cas. Ce salopard allait servir d'exemple. Il allait morfler jusqu'à ce qu'il en vienne à insulter sa mère pour l'avoir mis au monde, jusqu'à le supplier en chialant de le finir. Après ce qu'il allait lui faire, tout habitant de la vallée, quelle que soit sa race ou sa faction en chierait du sang à la seule idée de contrarier Saedroth.

- Je vais me taper le foie et les rognons de cet enfoirée pour mon quatre heures.

Le ton est hargneux, la voix guère plus qu'un grondement sourd. L'humain près de lui est d'humeur à peu près aussi jouasse. Il a dégainé une espèce de poignard. Il suit la piste aussi surement que lui, alternant entre cris rageurs et une sorte de... prière? Mantra? Mélopée? Lui veut surtout récupérer sa copine on dirait. Il risque d'avoir une mauvaise surprise. Son ravisseur doit d'ores et déjà l'avoir entamée...

Il court, dans la neige, vif, un gout métalique et agréable dans la bouche.

La fillemelle se débat, le mord. Lèvres douces et dents coupantes. Baiser saignant.

Qui que vous soyez lâchez-moi, ordure, lâchez-moi!!!!!!

Il met un temps à réaliser qu'elle lui parle... Jamais on ne l'a vouvoyé. Il a toujours été un inférieur, un mineur, un subalterne, un compagnon. Un patient. Un cobaye.
Il tourne la tête, courant et halétant :
Chut ! Calme !
Depuis quand parle-t-on à une proie ? Il y a un moyen de la calmer plus efficace : l'égorger. Alors pourquoi ?
Parce qu'une vieille voix-reflexe, guerrière et terroriste, humaine/inhumaine lui chuchotte : Otage....

Il entend les courses derrière lui, la course vacillante de l'humain, la course précise et animale de la mortechimère.
L'humain, ce n'est pas un souci. Mais l'autre...

L'humain semble lui parler mais il n'écoute pas, il ne veut pas écouter, pas entendre, il ne connait pas, il ne connait pas cette voix. IL NE LA CONNAIT PAS.
Une envie soudaine de déchirer. De faire souffrir. De hurlements de douleur remplaçant l'agencement pernicieux des mots ordonnés en phrases.

Son instinct lui hurle qu'il perd pied. Qu'il s'éloigne de la logique de la bête. Qu'il commet des erreurs.
Tue la, tu iras plus vite
Abandonne- la, tu leur échapperas

Une trouée, au sol d'herbe cristallisée. Un arbre, haut, solitaire et dénudé.
Un bond gigantesque, des griffes qui s'accrochent aux fibres du bois. Hissement, rétablissement.
Il est sur la première branche, à 5 ou 6 mètres du sol.
Il ramène vers lui son fardeau, approche son visage de celui de la femme.
Il la hume. Un coup de langue.
Il lui montre les dents, en la tenant serrée contre lui.
Ne pas bouger. Ou je te mange. Gentille !
Qu'elle se débatte et il la tuera.

Perché, il voit l'humain arriver. Homme loup. Homme prédateur.
Mais lui, n'est plus humain. Il est chimère....

Le goût métallique du sang dans ça bouche, épais…

*Vas y mère, crève cette charogne !*

…

La course continue, rapide. Kalia est ballottée. Comme un animal captif, apeurée, elle se cramponne tant bien que mal à son agresseur. Mais pourquoi ne pas lâcher prise ?

Il ne laissera pas sa proie échapper…

Elle perçoit mouvements et bruits en arrière. Uns voix, celle de son protecteur, qui traque la créature. Puis une seconde présence, l’homme cadavre sans doute. Un faible espoir naît, ainsi que de l’étonnement. Personne n’a jamais essayé de la sauver… Et ici, dans ce lieu hostile, le dernier endroit où elle s’attendrait à être secourue, c’est pourtant le cas… Qu’elle importance peu avoir ça pitoyable existence pour les deux hommes ? Elle n’est rien, ils ne devraient pas se mettre en danger pour elle, pense-t-elle.

*Méfie-toi, mère, sans doute s’disputent-ils seulement leur repas. T’égare pas, tu sais comment sont les hommes. Rien d’bon à attendre d’eux.*

*Tu à sûrement raison fils, mais laisse moi espérer, sans ça je n’aurais plus la volonté de me battre…*

Chut ! Calme !

Calme ! Comment rester calme en pareille situation ! Mais il est vrai qu’il vaut mieux ne pas énerver la créature. Qui sait comment elle réagirait.

*Autant tenter de repousser l’échéance, le temps que les deux autres parviennent à notre niveau.*

La voici secouée plus encore. La créature, avec une aisance impressionnante, entreprend l’ascension d’un arbre, pour ce poster sur une branche. Il ramène Kalia à lui. Inutile. A cette hauteur la jeune femme ne pourrait en aucun cas fuir.

Ne pas bouger. Ou je te mange. Gentille !

*Putain il t’parle comme à un mioche ce batard !*

C’est bien ça… Réduite à un morceau de viande, à de la nourriture… Elle ne bouge pas. Regarde enfin face à face la créature. Si humaine. Pas monstrueuse comme l’autre, inhumain… Elle fixe le curieux tatouage sous son œil, fascinée, se demandant la signification de celui-ci. Soufrance… Puis, tentant de garder son esprit combatif et de ne pas céder à la panique, Kalia contrôle sa respiration affin de s’apaiser.

*Butte le mère, agis merde !*

*Fils, tu sais que je ne peu rien contre cet être. Je vais tenter de gagner du temps. Je ne vois quoi faire d’autre…*

Fixant de ces yeux clairs son ravisseur, la jeune femme essaye de trouver un moyen de retarder l’inévitable. Mais le froid mordant, combiné à l’épuisement et la peur ralentis ces réflexion. Une question lui brûle les lèvres, question qu’elle n’a pas eu l’opportunité dans sa confusion de poser à ses deux « comparses ». Question alimentée par les bribes de conversations perçus auparavant. Chuchotant, elle s’adresse à la créature.

« J’ai besoin, avant que vous ne m’ôtiez la vie de savoir. Savoir quel est ce lieu où nous nous trouvons. Répondez moi je vous en conjure. Je ne veux mourir sans avoir de réponse à cette question. »

Pourquoi accorder tant d’importance à cette information ? Oui pourquoi ?

Comprendre, elle veut juste comprendre, ne pas mourir dans l’ignorance, cela suffit de mourir ignorée…

Il les regarde s'avancer, traçant un sillage de neige sale sur le sentier, bateaux ivres et désemparés.
Avant
Avant, ils seraient déjà morts.
Avant, il les aurait considérés, à travers la mire de sa lunette, le temps de viser. Il aurait appuyé et les silouettes se seraient affaissées, sans bruit, proprement.
Mais ici, il est acculé.
Il le sait. L'homme le sait, la chimère le sait.
Mauvais plan, dès le début. Il aurait du tuer la mortechimère, par surprise. Il aurait eu tout le temps de déguster les autres... Quelque chose l'a perturbé. Quelqu'un.

Un long frémissement. Un halètement rauque. Il serre contre lui sa proie, comme un rempart.

Et soudain, elle lui parle. L'interroge.
Cette question, incongrue le désarçonne.
Ils s'approchent
Il est piégé
Alors....
Pourquoi pas ?
Inspiration. Il la sent. Humain. Femelle. Sang. Vêtements. Monde d'avant.
Il humecte ses lèvres.
Il n'aime pas parler. Parler le rend moins efficace, plus faible.
Chuchottement rauque.

Hollow dream. Ici. Ca s'appelle comme ça. Là où on vient quand on est dans le coma. Blessé. Pas encore mort. Tu as eu un accident, là bas, non ? Maintenant, tu es ici. Mais ton corps là bas. Branché. Vivant...
Mais il faut pas me parler. Pas à moi. Je ne ... chut !

- Viens animal.

Tu t’habitues à tuer
Tu deviens naturellement méchant avec l’habitude
Tu n’as pas besoin d’encouragement, de raisons, de consignes, de conseils, d’excuses.
Inutile de te casser la gueule pour que tu continues à tuer, tu ne refuses pas, tu as déjà acquiescé au plus profond de toi.
Tu dis oui.
Je viens.
Tu es un tueur honnête.
Tu fais bien ton travail.
Tu es précis
Consciencieux
Appliqué.
Un système métrique.
Une caisse enregistreuse.
Un rouage méticuleusement graissé.
Un chien.

Il sent dans son dos, sur ses pas, le charognard qui l’a cueillit dans la clairière. Il avance vite quand lui sent un poids infini qui l’écrase au sol et le ralenti. Mais la rage comme un aiguillon venimeux le pousse vers l’avant.
La haine du chasseur qui chasse sans chien.
L’habitude de se déplacer seul, de n’agir que seul pour passer inaperçu.
Yoshe ne se retourne pas, il fulmine, contre celui qui braconne et empiète sur ses plates bandes, n’essaye même pas de le distancer c’est inutile.
- Je vais me taper le foie et les rognons de cet enfoiré pour mon quatre heures.

Jette un regard venimeux, continuant sa route, alors qu’il pensait la seconde précédente à l’arrêter, le détourner de sa cible, il l’excite :

- T’approche pas. Touche pas. Pas de quatre heures pour les grands garçons comme toi. Noue toi les tripes et rentre la langue. Pense à tout le chemin que tu as fait pour rester en vie. Tous ces efforts diplomatiques. Que penseraient tes petits copains les humains et au premier titre cette Mary Malone qui te tient sous sa botte parce qu’elle te charme, et qui t’a fait perdre ta férocité en te faisant espérer un sursit, celle qui te tient parce qu’elle flatte ton orgueil et ton intelligence en te laissant croire que tu peux négocier avec elle avec ce qui manque à tes semblables, une capacité d’analyse sans doute peu ordinaire, une certaine perversité, une intelligence encore fonctionnelle. Mais, duplice, n’est ce pas....

* Plus intelligent qu’une bête, oui, à n’en pas douter, ce qui fait de toi une demi-mesure et un être hybride pour tes semblables. Tu veux plus... et mieux que cela...

- Tu bouffes de la viande froide d’ordinaire non ? …. Alors lâche l'affaire tu veux ! Et ne t'....

Se retourne, tête baissée, rageant contre le vent qui bouffe le reste de ses mots, il n’attend pas de réponse.

* Pourquoi tu dis ça, racontes ça… qu’il touche pas à la bête qu’il approche pas le gamin…


Le kriss débusque sa proie et indique l’arbre où elle s’est perchée, la main de Yoshe pour la première fois tremble, désignant de sa griffe artificielle le paquet vivant agrippé là haut.
Ce visage ovale, ces cheveux noirs et broussailleux, ces yeux comme des charbons, ce corps svelte, long, effilé comme une dague, articulé comme un félin, recroquevillé, hérissé, sur sa proie, cette créature lovée sur elle-même là…

* …

…

..

.




Il tremble son bras quand son regard levé croise celui de l’animal.
Plus de mot, ne pense plus, comme électrocuté par ce qu’il voit là haut et qu’il ne peut rejoindre. Tout se bouscule. Envie de vomir, de hurler, de se fracasser la tête sur le tronc qui lui fait face, d’arracher le prédateur terrorisé, terrorisant, à son perchoir de fortune,
le sentir,
le humer,
renifler,
vérifier,
parler,
le saisir,
l'attraper,

secouer
battre
embrasser

il ne pense et ne voit plus rien que cela:
l’animal arraché à sa mémoire qui tient le gamin de ses rêves entre ses griffes.

* .. Comme… un otage…

Le kriss tangue au bout de ses doigts.
Mais il ne vacille pas sur ses jambes.
Un hurlement retenti, qui lui déchire les entrailles, il aboit comme un chien au poteau au pied de cet arbre que le sépare de l’autre là! comme un coup de feu BANG qui lui déglingue la gueule, un coup à l'estomac, hystérique il enfonce le kriss dans l’écorce, s’en servant comme d’un piton, et de son autre main arrache l’écorce, cherche un appui, un trou, quelque chose, grimpe, arrache, tenaille, aggrippe la chair végétale et y laisse la sienne, suc et glace sur ses mains, ça saigne,
vérifier,
voir,
toucher,
sentir,
palper,
frapper,
oui… vérifier que ce qu’il voit là haut n’est pas une vue de l’esprit,
un cauchemar, un mensonge,
un souvenir volé…


_________________________

Quand on n’a plus personne sur terre, ni père, ni mère, ni sœur, qu’on est petit dans un pays foutu et barbare, où tout le monde s’égorge on devient un enfant-soldat, pour manger et pour égorger à son tour, c'est tout ce qui reste.

__________________________

[Voilà voilà... Désolé pour la faute d'orthographe, j'ai réedité partout où je l'ai trouvée. En espérant que tu ne m'en voudras pas pour cette petite faute d'inattention...]

QUOI! Mais pour qui il se prenait ce sale fils de p...

Holà. Le vieux était malin. Il cherchait probablement à lui foutre les nerfs pour le pousser à la faute. Attitude stupide s'il en était. La seule chose qu'il pourrait récolter à ce jeu là c'est une mort rapide et sanglante. Il était quand même pas suicidaire le vioque, si? Non, mais apparement sujet à des pétages de plomb. Et là il était pas vraiment d'humeur à gérer ça en finesse.

Drakko l'a planté là pour escalader l'arbre où est planqué la chimère et sa proie. Vieux con, va. Il va se faire mettre en charpie en moins de deux. Au fond, est-ce que ça vaut le coup d'intervenir? Autant attendre d'abord que papy répande ses intestins dans la neige avant de se rappeller qu'il faut sauver la fille. On verra si ce crétin peut se nouer les tripes une fois qu'il n'arrivera plus à se les remettre dans le bide. D'ailleurs, toute cette histoire commence à sérieusement l'emmerder. Il en a marre de faire dans la dentelle. Autant buter tout le monde, prétendre que c'est l'enfoiré là-haut le coupable, et que lui, preux renégat au service du bien, est arrivé trop tard pour faire autre chose que venger ces malheureux et mettre tout le monde à faisander pour demain midi. Par exemple. Ou convaincre son concurrent que tout compte fait il mangerait bien de l'humain, bouffer le vioque et sa copine et la chimère pour le dessert. Ensuite, retour à la maison, ni vu ni connu. Personne d'autre que lui ne sait que deux humains sont arrivés récement. Si, l'autre en face. Mais il ne risque pas de raconter ça à un humain.

Tiens, ou alors, pourquoi ne pas prendre papy au mot et retourner à la bibli? Quand bien même le vioque arriverait à assouvir sa vengeance, ce qui serait une première, et récupérer la fille, il se retrouverait comme un con en pleine forêt, complètement paumé et gelé en compagnie d'une comateuse, ou d'un cadavre. Il n'aurait qu'à repasser peu après et à démontrer au corps de ce vieil arrogant que le quatre heure, à son age, ça se faisait toujours.

Mais il avait fait une promesse. Une promesse qui passait largement au dessus de la sale tête de parano de l'ancêtre et qu'il allait respecter. Quand il avait prêté serment de venir en aide aux humains, il l'avait fait sans préciser "sous conditions qu'ils me soient sympathiques". Il allait donc venir en aide au vieux. Rien que pour l'emmerder.

- Tu veux que je te dise, Drakko? Malgré le respect dû aux vioques et aux tarés, je trouve que t'as une sacrée grande gueule pour quelqu'un qui est là depuis quelques heures à peine.

Il se baisse, se relève. Un javelot de glace dans la main gauche. Il s'approche nonchalement de l'arbre qui supporte maintenant une Chimère peu loquace, une humaine terrifiée et un vieillard en colère.

- Parce que si t'étais là depuis un brin plus longtemps, tu saurais qu'il est particulièrement déraisonnable de jouer au con avec une Chimère, fut-elle apprivoisée, même si tu déblatérais des conneries bien avant sa naissance. Ou que mes "petits amis" se foutent comme d'une guigne que je tue une autre Chimère, vu que ça les arrange plutot. Que de toute façon si je dis que c'est l'autre guignol là-haut qui t'as tué personne ne viendra vérifier.

A la base de l'arbre, le boit noircit pas le froid fonce encore. Il pourrit. A une vitesse ahurissante. Des grosses larves blanchatres grouillent dessus. L'ancien, tout à son escalade, ne le voit pas. Saedroth aurait bien déchainé la Charogne sur la chimère, mais ce pouvoir, pas assez précis, risque de toucher la fille. Et ça, ça constituerait un incident diplomatique. L'arbre frémit. A sa base, le bois pourri n'est guère plus qu'une pate friable. La putréfaction atteindra bientot le coeur du tronc. Son javelot à la main, l'air de rien, Saedroth continue :

- Et puis surtout, ô vénéré vieillard, moi, quand je chasse une cible en haut d'un arbre, je ne me fais pas chier à l'escalader, j'attend qu'il tombe. Timber!

Une vigoureuse poussée du pied et un petit effort mental supplémentaire. L'arbre penche lentement. Grince. Craque. S'effondre dans un grand fracas. Saedroth s'approche, le javelot prêt à partir.

*Où te caches-tu, salopard...*

Intérieurement, Kalia soupire de soulagement. Sa question, ces paroles n’on pas attisé la colère de son ravisseur. Mais les mots prononcés par celui-ci, loin de la rassurer, l’effrayent, appelant d’autres questions.

Hollow dream… Coma... Blessé… Pas…mort…Accident Maintenant… Corps… Là bas… Branché… Vivant...

Ces informations s’entrecoupent, se confrontent aux fragments de conversations entendues précédemment. Son esprit noyé dans la confusion, altéré par la situation plus que critique dans laquelle la jeune femme est enlisée, entrave ces réflexions. Mais en ressort un constat, difficile à accepter. D’une façon qu’elle ignore encore elle à sombrée dans le coma. Et par elle ne sait qu’elle ironie du sort, elle se retrouve dans ce lieu. De passage ? Monde parallèle ? Enclave pour comateux en attente de réveil ?

Ses pensées sont trop anarchiques pour qu’elle tente d’assembler ses souvenirs dans l’espoir d’entrevoir comment elle en est arrivée là. Plus tard…

Mais il faut pas me parler. Pas à moi. Je ne ... chut !

Oui… Elle murmure tout de même un mot, un seul, fixant de ces yeux ceux de la créature.

« Merci… »

Pourtant elle désirerait le questionner encore, entendre cette voix, la voix de cet être qui la voie, le seul avec qui elle à pu avoir un semblant de conversation depuis son arrivée. Seulement lui veut se nourrir de sa chair. Alors pourquoi ne la-t-il pas encore tuée. Qu’attend-t-il ?

Elle entend les deux autres se rapprocher. Espoir et peur se mêlent. Ignorant tout des lois régissant cet endroit, elle ne peu appréhender les motivations de chacun.

Puis, des mouvements en bas de l’arbre où ils sont perchés, l’un d’eux est là, ou bien les deux. Il ou eux tentent d’escalader, de les rejoindre. Pure folie… Ensuite la voix de l’inhumain… A priori, seul l’homme aux yeux délavés escalade. Les deux hommes ont l’air en conflit… L’homme cadrage, bien plus loquace que la créature qui l’a enlevée parait irrité. Elle ne voie ce qui ce passe plus bas, mortifiée, elle garde ses yeux dans ceux de son kidnappeur. La peur, anesthésiant la colère, la tétanisant.

*Fils, fils, Tàxo, où es tu ?*

*J’suis là mère, mais… Peur moi aussi, protège-nous mère.*

…

Soudain tout s’accélère, des craquements, un coup porté à l’arbre, qui se brise. Elle pousse un cri, s’agrippe, voyant avec horreur le sol se rapprocher. Avant d’atteindre la terre ferme elle lâche prise, et de ces minces forces se projette pour atterrir, à genoux dans la neige, les mains ancrées au sol, la tête baissée. Prostrée, le souffle court, le cœur battant la chamade, elle reste figée là, telle une statue.

Quelques secondes, trop longues, pour reprendre un semblant de lucidité, de contenance. Elle lève lentement la tête. Son regard se pose en premier sur l’homme a la fourrure, s’arrêtant sur sa main qui tient un curieux couteau. Là, dès l’instant où les yeux de la jeune femme ont croisé l’arme, des flashs agressent son esprit. Chaotiques dans un premier temps. Puis les images deviennent plus nettes, s’agençant, pour former une suite logique.

Elle sait… Elle voit…

En quelques instant, une raison de combattre et de sortir du coma lui est offerte puis immédiatement retirée… L’unique motivation qui aurait pu l’inciter à s’accrocher à la vie, la faisant espérer l’éveil, là bas sur son lit d’hôpital, disparue aussi vite qu’elle est venue. Consumée, dérobée, confisquée… L’objet, le centre de cette motivation se trouve là face à elle, dans ce lieu de cauchemar. La colère, encore elle, bouillonnante, trépignant, est distillée tel un poison, un virus, dans les veines de la jeune femme. Sa course, entravée par un désir irrationnel, incontrôlable, que l’homme aux yeux clairs à depuis le premier instant éveillé en Kalia.

*Mère, putain, t’laisse pas aveugler, il à essayé d’nous butter c’pourri. J’m’en souviens maintenant. Tu t’en souviens aussi, hein, tu t’en souviens !?*

Oui elle se souvient à présent, clairement, la lame, la surprise, l’incompréhension, la souffrance, puis plus rien…

Sa respiration s’accélère, ces yeux ce ferment. Son sang, comme chargé de lave, incendie chaque parcelle de son corps. A genou, les yeux clos, une grimace d’agonie tord son visage de poupée.

Le chaos envahit son esprit. Une bataille s’engage. Les deux personnalités s’affrontent, ce rejettent, s’attirent, pour enfin s’enlacer dans une étreinte incestueuse et fusionner.

Alors que la douleur semble diminuer, son jeune corps est prit de convulsions, alarmant la jeune femme qui ouvre des yeux hagards. Ces yeux… L’un d’eux est comme taché d’une goutte de sang venu corrompre l’iris. Ces yeux… Bordés de cernes sombres et violines.

Kalia saisie sa tête entre ses mains, hurlant, de rage et de douleur. On croirait voir une possédée. Sur son corps, comme des stigmates de ses mutilations passé, sa chair se déchire en d’innombrables plaies d’où suintent de minces filets de sang. Sur son biceps droit, une lésion plus conséquente évoque une bouche inhumaine, avide, sanguinaire. Des lèvres entrouvertes de la jeune femme, on peu apercevoir, parmi sa dentition immaculée, que ces canines ont prit des dimensions plus importantes, fines, affûtées. A la neige, sa peau emprunte un peu de pâleur contrastant avec le rouge sombre de ces taillades.

La torture cesse brusquement, excepté celle infligée par les plaies, distillant une douleur acide et constante. Kalia, ôte les mains de son crane prenant appuie, vidée, sur la neige. Son souffle se tranquillise. Elle regarde alors ces mains, puis la neige, ces mains de nouveau… Le froid ne l’agresse plus. Elle sourit. Un sourire malsain, qui n’a rien de jovial. Elle observe sa peau dont la teinte est devenue pastel, grimace à la vue des plaies sur son bras. Elle ressent son corps, ces muscles, qu’elle constate investis d’une toute nouvelle puissance. Passe sa langue sur ces canines. Elle sourit de nouveau. Puis, perçoit un changement supplémentaire, terrifiant, que nul ne peu voir sous ces vêtements, là, tapis au creux de son intimité, affamé, vorace…

Elle part soudain dans un rire dément, qui ne semble vouloir prendre fin, résonant dans la forêt.

Merci
Il l'entend mais ne répond rien. Mais il sait qu'il ne pourra pas la tuer, plus maintenant, plus comme ça...
C'est alors que le garou se jette sur le tronc comme un forcené, griffant, grattant et gémissant.
Si près.
Extinction. Retour à l'animal. Pulsions comme des aurores boréales, sauvagerie magnétique, hurlement électrique. Envie de s'aggriper et de déchirer, d'étreindre et de contraindre.

C'est alors que la mortechimère de sa pourriture fracasse le tronc.
Chute, branches gelées qui éclatent en de scintillants cristals. Il lâche la femme, bondit, retombe sur ses pieds à côté de son ancienne proie.
Immobiles, tous deux fixent la silhouette à la pelisse.
Echange de regards. Echanges de souvenirs.

Le hurlement de la femme rompt le quatuor des souffles mélangés.
Il le reconnait, il reconnait le chant. Un chant de métamorphose. Un chant de folie.

Contaminé, grisé par la folie et la destruction du moment, Al Fana feule, contrepoint assourdi au rire de la transformée.
Qu'ils viennent, chimères, humains et même bêtes. Il a soif de sang, soif de souffrance.
Fut-ce la sienne.

Tchac.

Le javelot se fiche dans le sol, aux pieds de Saedroth. Il ne sert plus à rien. Il n'y a personne à sauver désormais. Ils sont entre chimères. La fille, d'abord, rapidement. Des plaies, des crocs. Facile à identifier. Le vieux ensuite. Il craque. Et pas qu'au sens figuré. Il lui fait un vague signe et s'enfuit vers le coeur de la forêt. Salut? Menace? Plus probablement menace. A tous les coups il le tient pour responsable. Vieux crétin.

Le ravisseur feule, prêt au combat. Il a soif de sang, prêt à en découdre. Un contre un, deux contre un? La fille se contente de rire. Un rire dément qui ferait blêmir un humain. Mais pas Saedroth. Lui aussi, en son temps, il a ri.

Il n'est pas coupable, ne s'estime pas coupable. Il est perplexe. C'est bien la première fois que ça lui arrive. Quelque chose a-t-il été mal fait? Probablement pas. Ces deux là portaient les germes de leur propre destruction. Il plante son regard dans les yeux de la fille.

- Je ne peux plus t'emmener à la bibliothèque. Tu représente un danger pour les humains. Si tu as encore l'esprit sociable, va au Cardinal's Jail, le batiment dont il ne reste que le rez-de chaussée, pas loin du théatre. Ne leur parle pas de moi, ça ne t'attirerait pas les sympathies.

Voilà. C'était tout ce qu'il pouvait raisonnablement faire pour elle. Avec un peu de chance, son ravisseur l'aiderait. Pas son affaire désormais. Il toise le ravisseur en question. Un male, un chasseur solitaire. Probablement pas très causant. Son animosité de tout à l'heure s'est envolée. Franchement, ça ne vaut plus le coup.

- Match nul, l'ami. Ton déjeuner comme mes protégés ne sont plus. J'estime qu'on est quitte.

Compte là dessus et bois de l'eau claire, mon grand. Il ne comptait pas laisser vivre bien longtemps une chimère qui l'avait humilié. Mais à un contre deux avec un troisième hostile qui rodait dans le coin, c'était difficilement gérable. Un contre trois minables avec l'effet de surprise pour soi, ça allait. Mais ces trois là ne jouaient pas dans la même catégorie que les misérables chasseurs chimériques de ce temps déjà lointain. Il se vengerait... Plus tard.

Un petit signe de tête, salut ironique au mystérieux chasseur. Il se retourne et lance par dessus son épaule, sarcastique :

- Ah, au fait, bienvenue à Hollow Dream, jeune fille.

Pas le temps de répondre, il est déjà parti. Il n'expose pas son dos bien longtemps à ses frères et soeurs. En route vers le village, il est préoccupé : comment raconter ça à Mary? Plus inquiet qu'il ne veut l'admettre aussi : il garde en mémoire le regard bleu incandescent du monstrueux vieillard.

Situation nouvelle. Retour de la Conscience. Foetus de pensées qui s'agitent.

Il y a 5 minutes, son organisme avait déconnecté son esprit, inutile voire handicapant dans une situation de combat, pour ne garder qu'une conscience en mode sans echec, le minimum efficace pour survivre.
recepteur sensoriel / Cablage nerveux / perception-sensation-integration / cablage nerveux / muscle.

Frapper/esquiver/frapper/ne s'arreter que quand tout est immobile.

Simple.

Mais Lui...Il s'était transformé.... Et s'était détourné. Sans le toucher. Cette fois-ci....

Et la mortechimère avait renoncé au combat. Pragmatique, elle aussi. Dans ce monde, on apprend vite à éviter les combats inutiles. Puis elle était partie, lançant une promesse fanfaronne.

Il restait seul, maintenant, avec la femelle.
Eviter les combats inutiles.
Nouvelles datas. Nécessité de reflexion.

Le bilan était négatif :
un nouvel ennemi revanchard et dangereux et une faim non satisfaite.
Rapide coup d'oeil vers la chimère haletante. Il n'avait jamais chassé de chimère. Viande trop faisandée et trop nerveuse. Certes, par souci d'économie, il avait consommé les quelques inconscients de la meute qui l'avaient attaqué. Mais risquer des blessures juste pour manger....

Yoshe... Son prénom éclate dans son esprit, jouant des coudes dans la foule de ses pensées embourbées pour venir s'afficher au premier plan....
Pour éviter qu'une cohorte de souvenirs désagréables ne suivent ce prénom, il s'efforçe de diriger ses pensées ailleurs.

La nouvelle se lève, le regarde, perdue.

Cardinal's Jail. Une ancienne auberge. Dans le village. Repaire-tanière des Chimères en meute. Chimères, les créatures comme toi. Comme moi. Je ne fais pas partie de la meute....
Mais je peux te conduire au village, si tu veux. Après tu choisiras. Derester avec eux. Veux-tu ? Mon nom est Al Fana.

Pourquoi lui proposer de l'accompagner au village ? Ca n'a pas de sens.
Parce qu'elle connait le psychiatre...
Non, parce que...
parce que...
Comme ça. Un reste d'humanité probablement.
Exactement.....

Allons-y, ne tardons pas
les mots reviennent, en groupes épars, comme une troupe d'écoliers en sortie.
Il a envie de se dépcher car il a faim. Si faim. De nombreuses faims qui toutes l'assaillent. Et la faim de nourriture est une des moindre.

Il se met en route, avançant d'une démarche souple et vive, le nez au vent, humant, aux aguêts.
Voyant que sa compagne peine à le suivre il ralentit et finit pas s'arreter et se retourner pour l'attendre.

Elle a piètre allure, la robe légère déchirée, le corps balafré. Et ce regard...
Monstreuse mais en ayant gardé son étrange beauté.
Lorsqu'elle le rejoint, frisonnante, il lit l'avidité en elle. Ca le fait sourire.
Elle le connait
Tout en marchant, tout en la respirant, il murmure :

Yoshe .... Yoshe Mandelstam. C'est son nom. Un psychiatre. Un milicien se nourrissant d'innocence... Une... une goule
qui se nourrit de ton energie pour pouvoir vivoter.
qui souille et avilit
qui ....

Brusquement, l'évidence. Il s'arrete, la retient par le poignet, sens le sang qui hurle dans les veines bleues affamées. Il tourne le visage vers elle et son regard est presque doux.

C'est lui, n'est-ce pas ? Lui qui t'a amené ici.
Oui, bien sûr....
Et tu veux le retrouver....

Pendant ce temps, bien plus loin déjà....

[hrp] (BIG BANG II, à écouter en mp3 ou avec real... et assez fort...) [hrp]





[ direction la clairière…. ]

Toi aussi tu veux le retrouver? Que t’a-t-il fait ?
Il lâche le poignet, ou plutôt, il le lance, rageur, vers ce corps féminin. Puis il reprend la marche, d'une démarche hachée.

Il se met soudain à parler, le regard fixe, d'une voix monocorde, robotique. Déshumanisée. Sans âme.

Ce qu'il m'a fait ? Il m'a détruit. Il m'a accouché. Il m'a tué et mis au monde. Avant de le rencontrer, j'étais.... quelqu'un. Abimé, morcelé mais ... quelqu'un... Je m'appelais.... Je ne sais plus... mais j'avais un nom. Après lui, je n'étais plus personne. Un concept, tout au plus. Al Fana. Un embryon de chimère. En attente de ce lieu, peut être.

Il s'est repu de moi.
Il a assouvi son gout morbide pour la déchéance et la destruction.
Il a calmé sa culpabilité.
Il est de ceux qui pensent avoir des intentions pures mais ne sont qu'au mieux des voyeurs... ou des vampires.
Il m'a torturé.
Il ne fut pas le seul.
Mais les autres.... Je les comprenais. Peut être aurais-je fait pareil à leur place. Les autres, c'étaient des bêtes. Les autres, ils pensaient qu'en me faisant disparaitre, en faisant disparaitre les mâles de mon peuple, en fécondant nos femelles, ils vivraient mieux. dans un monde meilleur. Entre eux.

Lui, il était là... pour se soigner. Pour expérimenter. Pour jouir.
A cause de lui j'ai bien plus souffert qu'avec les autres. Sa seule présence me brulait. Mais il restait. Même, il prolongeait mon agonie. Me soignait. Juste qu'à ce qu'il ne reste plus rien...

De nouveau il s'arrête. Son visage est pâle, ses yeux fiévreux. Ses crocs ont disparu, seules ses griffes rappellent son statut de chimère.
Il la regarde, elle qui marche, les yeux fixés au sol. Il soupire.

Bref, il m'a fait du mal... Et nous avons un point commun, toi et moi... C'est grâce à lui que nous sommes tous deux des chimères perdues dans cette vallée enneigée....

Le silence, de nouveau, deux corps puissants qui cheminent de concert, laissant un sillon bourbeux, odeurs mêlées, pensées perdues.

Si je veux le retrouver ? Je sais maintenant qu'il est là mais... Je ne sais pas....
Je ne sais pas....
JE NE SAIS PAS !

Un arrêt brutal, une main qui se lève, résurgence d'un vie de clandestinité et de traque.

Le village. Il est juste là.
On va le contourner pour arriver près du Cardinal's. Une fois là....
Tu décideras

Elle s’attendait à une réaction. Qu’il rejette son poignet de cette façon ne la surprend donc pas. Les lésions cessent de s’animer... Elle se remet en marche elle aussi, l’observant du coin de l’œil lui répondre.

Puis, Kàxo sourit, en une mimique abjecte, sentant la haine de son guide suinter de chaque mot qu’ils prononce. Cette haine faisant résonance à la sienne, la grisant. Il l’a brisé, lui a volé sa vie, comme il à volé la sienne. D’une manière différente, mais le résultat est semblable… L’espace d’une seconde elle ressent de la honte, honte de s’être tant apitoyée sur son destin, alors qu’à côté d’elle, cette créature qui fut un homme, a bien plus souffert qu’elle. L’espace d’une seconde, puis disparaît laissant la haine envahir la créature femelle.

Il s’arrête une fois encore. Kàxo toise son visage où elle peu lire sa souffrance.

*Du mal oui. Beaucoup trop de mal… Fils de pute !*

« J’dirais plutôt à cause de lui… Nous voilà piégés sans autre but qu’la vengeance, avec en effet un bien sombre point commun… »

Elle l’observe encore. Les créatures sont-elles toutes comme lui ? Il semble avoir gardé une part humaine non négligeable, dans sa façon de raisonner, bien que l’on ressente sa bestialité latente. Tout comme elle… Presque… Elle sent au fond d’elle cette animalité désirant régner en maître, la soumettre à ces instincts. Est-ce la souffrance, le désir de vengeance, qui garde son esprit alerte, et encore capable d’analyser ?

*Font chier ces questionnements…*

«Tu ne sais pas ? Où il se trouve ? La vallée n’doit pas être si vaste, il ne pourra ce cacher éternellement, qu’ce soit toi, moi , ou bien nous deux, il sera débusqué. A moins qu’ce soit autre chose que tu ignore… »

*Nous y voilà…*

Il lui montre une direction. Le but est proche. Décider… Il n’y a pas de décision à prendre. Ce reposer… Après oui, la chasse, la traque. Elle frissonne d’exaltation en y pensant, ce passant la langue sur les lèvres. Impatiente et effrayée à la fois.