...Doux éveil...

Un pas souple, presque silencieux, si ce n'était le léger crissement de la neige sous les semelles épaisses. Uniforme de camouflage, Maxime patrouillait aux environs de cette clairière qui avait vu son réveil. Cela faisait combien de temps d'ailleurs ? Il n'en avait plus aucune idée, tant de chose, d'évènements à ingurgiter, tant de chamboulement à accepter. Mais si il y avait une chose qui le caractèrisait, c'était bien sa morgue. Un vrai pitt bull lorsqu'il avait prit une décision. En cette heure où le silence régnait en maître sur la Vallée, il ruminait doucement sa rencontre avec une chimère folle. Il aurait sa vengeance, de cela il ne doutait pas. Il n'était même pas question d'une soudaine jalousie vis à vis de Mirahil, mais juste d'amour propre. Maxime n'était pas assez romantique pour s'imaginer amoureux d'une Ombre, cela dit, il savait qu'il l'appréciait et la voir frôlatrer avec une espèce de boule de pus avait de quoi lui hérisser le poil.

Un craquement sur sa droite le fit dégainer un semi automatique, meusurant ses gestes, il enleva la sécurité, félin soudain, il se déplaça avec précaution. L'ombre des arbres entourant la clairière lui offrait un abri des plus utiles. Une silhouette qu'il distingue, déliés féminins si il pouvait en juger. Humaine ? Ombre ? Chimère ?...Il plissa les paupières. Humaine.

L'arme au poing, il pénétra finalement dans l'espace découvert, visible aux yeux curieux qui fouillaient le sol. Inconnue au bataillon, du moins pour ce qu'il avait vu des âmes qui habitaient le camp.

-Seriez vous perdue ?

Une voix aussi froide que l'air ambiant, un regard vert implacable, Maxime n'était jamais assez méfiant.

Xarha n'était pas du genre à sursauter, oh non, sursauter c'était un manque de classe, une marque de faiblesse, il ne fallait pas se laisser aller comme ça...Mais elle devait bien avouer que l'homme l'avait prise par surprise.
Ce qui lui déplaisait au plus haut point. Elle se pinça les lèvres et leva les yeux en l'air.

-Seriez-vous perdue ?


Ben voyons.
Non seulement elle avait de la compagnie, mais pas bête avec ça. Quelle petite veinarde.

Elle se retourna calmement, avec une esquisse de sourire chaleureux, qui disparut aussi vite qu'elle vit l'arme pointée sur elle.
Un semi-automatique. Pas mal. Xarha avait toujours préféré les armes plus calibrées, les ballas traçantes et tout ce genre de trucs qui font "boum, pan pan". Alors bien sûr, cette arme faisait pâle figure à côté de celles qu'elle avait pu manipulé, mais une balle restait une balle. Et un homme tenant un fusil restait un client potentiel...ou un ennemi potentiel. Ah, l'esprit professionel reprenait le dessus.
Enfin, elle glissa son regard sur le visage de l'inconnu et le dévisagea ouvertement, plutôt intriguée. De toute façon, elle pouvait se permettre ce manque de politesse, non ? Lui était bien en train de la menacer....

Xarha comprit tout de suite qu'elle s'adressait à quelqu'un d'assez spécial. Suffisait de croiser ce regard dur et froid pour le comprendre. De plus, il n'avait pas l'air franchement amical. Elle avait peut-être affaire à un chasseur.

*Tremblez, ours polaires, tremblez petits pingouins sur la banquise ! *

- Oh, ça se voit tant que ça ? daigna-t-elle enfin répondre.

L'avantage, avec les regards, c'est qu'on savait tout de suite à quelle genre de personne on parlait. Elle planta le sien dans celui de l'homme, cherchant un éventuel signe de faiblesse, même si elle avait le présentiment qu'il ne détournerait pas les yeux malgré tout. C'était tout simplement "pas le genre."

- Pauvre, pauvre touriste que je suis...Vous semblez être la seule chose vivante que j'ai croisé ici, et vous portez des intentions hostiles sur moi...Vous savez, jvais pas vous bouffer....

Elle leva les mains en l'air, histoire de prouver qu'elle n'avait pas d'armes, et les remit ensuite dans les poches de sa veste en cuir.
Elle n'avait pas imaginer les habitants d'Alaska aussi sauvages et tellement en manque de civilité. Mais bon, chasseur d'ours polaire ou pêcheur de phoques, c'était quand même la seule personne qu'elle avait croisé depuis son arrivée, autant essayer de rester la plus suave et agréable possible. Surtout quand un pistolet est braqué sur vous.

Il ne savait pas pourquoi, mais il était persuadé qu'elle se fouttait ouvertement de sa tronche. Quelque part, cela l'amusa. Au moins, la demoiselle semblait avoir un caractère bien trempé. Un sourire en coin erra sur ses lèvres tandis qu'il rengainait son arme. De toute manière en cas d'agression, il avait d'autre moyen de défenses. Ses prunelles vertes affrontèrent sans ciller le regard qu'elle posait sur lui. Inquisitrice la tiote ! Limite si elle...

-Arrêtez de me regarder comme ça, on dirait ma mère.

railla-t-il mais si, mais si, Maxime était capable d'humour malgré son apparence froide. Un jeta un rapide coup d'oeil aux alentours, manquerait plus qu'une sale bestiole ne pointe le bout de son nez. Il était sortit du camp pour ramener à manger, donc, il n'était pas armé pour affronter une, voir plusieurs chimères.

-Touriste ? Désolé ma belle, mais vous etes loin d'être en vacance. Quant à me bouffer, je demande à voir tiens.

Hop, plus de pistolet, plus de raison d'être suave et agréable. Enfin, elle pouvait souffler un peu.
Et n'était-elle pas en bonne compagnie pour discuter un peu ?

-Arrêtez de me regarder comme ça, on dirait ma mère.

Un sourire se dessina sur ses lèvres. Bonne réponse, mauvaise réponse, le jeu de la conversation était toujours amusant et bordé de surprises en tout genre...Tellement de possibilités et d'impossibilités. Jeu éternel. Xarha était bonne joueuse, bonne tricheuse. Sauf après avoir été tuée par une tâche d'huile.

- Oh, je pourrais vous retourner le compliment, my dear. Et quand à vous bouffer, eh bien...sans vous offenser, vous n'avez pas l'air des plus apétissants. Oh, ne prenez pas ça mal, surtout. Oh non, je ne voudrais pas que vous le preniez mal...

Elle fit une petite moue du visage et ressera sa veste autour d'elle. Parce que hein, il était bien gentil le monsieur, mais elle avait froid, elle était perdue , elle avait faim, soif et en plus, elle avait des souvenirs à récupérer.

Elle ouvrit la bouche pour lui demander où est-ce qu'ils étaient, et la referma aussi vite. Voyons, voyons, elle était censée contrôler sa situation, non ? Elle n'allait pas afficher mal....

Sauf qu'elle ne contrôlait rien.

Enfin elle se décida à regarder autour d'elle, faisant des yeux le tour de la clairière en se mordillant les lèvres. Elle ne savait pas ce qu'elle devait faire de cet inconnu. Maintenant qu'il ne présentait plus de danger immédiat, elle pourrait essayer de l'assomer et de le débarasser de quelques affaires inutiles. Mais elle avait comme l'intuition qu'elle n'y arriverait pas aussi facilement. Les faibles, eux, ce serait laissé faire, ça aurait été des proies faciles, même armés...c'était si facile...Elle eut même un brin de nostalgie.

Elle se permit d'avancer vers l'homme - oh, pas trop près, elle le sentait trop tendu, il pourrait avoir des gestes regrettables, tout avait des limites... Limite que, bien sûr, elle mourrait d'envie de dépasser.

- Dites-moi, ça vous dérangerait pas de me prêter votre portable ? Faites-moi confiance, je partirai pas en courant avec...vous savez être assez persuasif pour m'empêcher de faire ce genre de conneries...

Dit-elle calmement en louchant vers l'arme.

-...Oh. J'ai oublié de vous demander. Vous manipulez souvent des armes ici ?

Ses paroles confirmèrent ce qu'il avait soupçonné. Une sacré frondeuse que voilà, caustique à souhait, hérissée de piques vénimeuses. Bref, une sacrée teigne, et tant mieux ! Il en fallait pour survivre ici. Maxime croisa les bras sur la poitrine, gardant toujours un oeil sur les environs.

-Que je le prenne bien ou mal, vous fera ni chaud ni froid, ma jolie, évitez de minauder avec moi. Ca m'agace un peu, je l'avoue.

Il haussa un sourcil soudain lorsqu'elle lui demanda un portable. Un portable ?! Ah mais si il y avait un quelconque moyen de joindre le monde extérieur, il l'aurait déjà trouvé, mais il fallait se rendre à l'évidence. Ici, ils étaient nul part.

-Je n'ai pas de portable, et quand bien même j'en posséderais, cela ne vous sera d'aucune utilité. Disons qu'il n'y a pas de réseaux.

Puis, il baissa les yeux sur l'arme qu'il portait attachée à la cuisse, eut un claquement de langue avant de reporter le feu de son regard vert sur la jeune fille.

-C'est même une question de survie.

Il pencha légèrement la tête sur le côté en la détaillant.

-Vous n'avez aucune idée d'où vous vous trouver en ce moment n'est ce pas ?

railla-t-il avec un sourire en coin.

Elle se hérissa sous la remarque ironique, fronça les sourcils et perdit tout air accueillant, profondément vexée en elle-même. Vexée pourquoi ? Parce qu'elle savait d'avance qu'elle ne pouvait rien répondre à ça, et elle avait l'intuition que ce type le savait aussi bien qu'elle.

Nouvelle saute d'humeur. Cette fois, Xarha était en colère, plus en colère contre elle-même en vérité , et encore plus en colère de la laisser paraître.

- Ok, ok, ok, my dear, t'as gagné ! Je suis complétement paumée dans un endroit encore plus paumé, y a pas une putain de ville dans les environs et je me retrouve à bavarder avec un chasseur de pingouins !

Elle souffla un grand coup et cracha par terre. Elle commençait à avoir un sérieux doute sur la technologie dont on pouvait disposer dans ce genre d'endroits. Si déjà il n'y avait pas de réseaux, quelle chance aurait-elle de trouver une voiture ? Si on devait chasser pour vivre, dans le coin, ça s'annonçait plutôt mal. Elle n'avait pas spécialement envie de se retrouver à l'époque de la Pré-Histoire, entourée de "ouga-ouga" et compagnie.

Putain de vacances de merde. Dans quoi avait-elle encore pu se fourrer ?

Elle avait traversé des moments très difficiles, mais toujours en sachant exactement ce qui se passait, et dans sa tête, et dans celle des autres. Mais alors là, la perspective de se retrouver dans une tribu de malades mentaux la désespérait au plus haut point.

Oh bien sûr, il y avait de l'aventure. Alors ça, elle était même gâtée dessus. Aventure, aventure ! Mais ça tournait plus à la catastrophe qu'autre chose.

* C'est pas grave Xarha, les oiseaux chantent, il fait beau, c'est le printemps, tu vas t'éclater comme une petite folle à revivre la vie de tes ancêtres. Ouuuh, que ça va être amusant d'aller chercher du bois pour faire du feu. *

Heureusement, de mémoire elle avait encore son briquet pour elle. Au moins, elle aurait pas besoin de frotter des pierres l'une contre l'autre.

Mais après réflexion, il ne fallait pas exagérer. Le fameux chasseur de pingouins avait l'air assez moderne, et il chassait avec une arme qui datait pas de la pré-histoire, au moins, et de plus, il était pas habillé de peaux de bêtes.

Ou alors ils avaient fait un remake de la célèbre série, qui passait avant, dans sa douce Californie. Il était dans un avion, l'avion s'était écrasé, et les passagers avaient survécu, alors ils s'étaient adaptés à leur nouvel environnement et abracadabra ! Elle tombait au plein milieu.

* Oh my God. Pourquoi faut toujours que les emmerdes m'arrivent quand j'en ai le moins envie ?*

- Oh. J'ai pas fait gaffe à ce que j'ai dit. Euh, attendez, je veux dire...vous êtes peut-être pas un chasseur de pingouins ! Y a sûrement pas de pingouins dans ce coin, sont plutôt sur la banquise non ?

Ah ben voilà. Pour couronner le tout, elle ne se rappelait même pas où vivait ces bestioles normalement. Saleté de pingouins.

- Non, rien, oubliez ce que je viens de dire. Je suis juste un peu tendue, je raconte n'importe quoi, ahahaha....haha...Raaaaah, faudrait mieux que je ferme ma grande gueule. Et y a pas de voitures ou rien du tout par ici ?

Maxime la laissa s'éssoufler dans un discours décousu mais qui marquait assez bien sa perdition. Et oui, pauvre petite chose, tu es perdue dans ton propre cerveau, un monde crée par il ne savait quel esprit tordu et un poil sadique sur les bords.

-Non, je ne chasse pas le pinguins, mes proies sont légèrement plus....Féroces que ça.

Il inspira l'air glacial qui s'échappa en de petites volutes blanches lorsqu'il expira doucement.

-Maison ? Voitures ? Pourquoi pas quelques bistros et boite de nuit pendant que vous y etes. J'vais être direct, ma jolie, mais, vous etes entré dans un monde qui n'est pas le votre. Maintenant, vous avez le choix, soit vous me suivez et je vous sors du pétrin en vous evitant de servir de boustiffaille à des bestioles peu ragoutantes, ou vous continuez à sortir des conneries avec la fréquence d'une mitraillette essouflée toute seule histoire de nourrir la gentille peuplade des Chimères et autre Ombres.

Clair, net et précis, sans la moindre considération pour l'air perdu qu'il devinait dans ses yeux.

C'était peut-être la tirade la plus longue que son joyeux et tendre compagnon avait réussi à sortir en 5 minutes.
Xarha dût prendre énormément sur elle pour ne pas répondre immédiatement, sans réfléchir un minimum à ce qu'elle allait dire. "Tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de répondre."

Après tout, même si ça ne voyait pas trop, Xarha avait un minimum de diplomatie. Elle détailla le visage du type, et finit par se rendre à l'évidence : elle ferait mieux de le suivre. Il avait l'air débrouillard en plus, le bonhomme.

- Chimères et Ombres...ahein...

Elle haussa un sourcil inquisiteur. Mais pas besoin de psychanalise pour voir à quel point l'homme était sûr de ce qu'il avançait.

Xarha considérait rarement les gens comme fous. Elle-même faisait partie de cette catégorie, d'une certaine manière.
Elle s'entendait naturellement bien avec toute sortes de cinglés notoires. Elle ne considérait pas ce type comme taré, donc quoi que puisse être ces animaux en réalité, ils ne devaient pas être innofensifs.

Elle eût un petit sourire en coin railleur. Même si elle n'appréciait pas véritablement qu'on se foute de sa gueule, c'était assez rare pour être amusant.

- En tout cas, on peut dire que vous avez un admirable talent pour parler aux femmes, mon vieux. Je vous en prie, sortez-moi du pétrin, j'ai hâte de voir ça.

Il se détournait déjà, prêt à partir, son esprit déjà tourné vers le plus sur moyen de les faire traverser la fôret jusqu'au camps, sans tomber sur un truc plein de dents.

-Ouais, on me la souvent dis.

D'un ton si ironique qu'il était évident qu'il s'en fouttait royalement. Il n'avait pas le temps, ni l'envie de déclamer des vers d'une voix doucereuse. Nan, ça c'était tout a fait le genre de cette tapette de Chahîd !

-Un petit conseil cependant, restez derrière moi, et évitez de vouloir me voler mon arme histoire de reprendre l'avantage. Je n'aimerais pas vous assomer !

Ajouta-t-il tranquillement en se mettant à marcher vers l'obscurité des bois. C'est Mary qui serait contente tiens ! Une nouvelle recrue de plus. Maintenant...Ce qu'elle allait choisir comme voie...

-Au fait, si vous vous croyez morte, je vous rassure, vous ne l'etes pas. Vous etes juste plongé dans un coma de stade trois.

Elle leva les yeux au ciel et se mit à rire doucement. Elle adorait déjà son nouveau compagnon.

- M'assomer ? Vous pensez vraiment que vous y arriverez ? Vous serez pas un peu macho sur les bords ?

La dernière personne qui l'avait sauvagement assomé et en était ressorti indemne....de mémoire, c'était la bouteille d'huile. Pas très glorieux.

-Non, je n'ai pas besoin de reprendre un quelconque avantage. En plus, je vois pas pourquoi je vous attaquerai. Vous êtes attendrissant, au fond. Quant au fait que je puisse être morte, c'est gentil de vous inquiéter, mais je pense être en vie. Enfin bon, au moins maintenant je suis *rassurée*...

Coma stade 3. Woah. Xarha n'avait aucune idée de quel genre d'amphétamine les hommes prenaient par ici, mais ça avait l'air de détruire les neurones rapidement. En tout cas, ça marchait comme sur des roulettes.

Quant à l'idée d'être morte....elle l'avait effleuré, mais elle se sentait tellement en vie que finalement, elle serait étonnée d'être morte.

Si elle était morte, elle ne serait pas en train de bavarder avec un humain, glacée de froid par-dessus le marché. Non, elle serait sûrement en pleine discussion avec Dieu ( ce qui avait tout de même une toute autre classe que ce qu'elle faisait maintenant.) Et de mémoire, un corps mort était censé se décomposer.

D'un pas léger et rapide elle rattrapa l'étrange inconnu tout en restant légèrement en retrait. Il avait l'air de connaître le chemin. Xarha ne savait pas trop où elle allait, mais elle y allait, c'était déjà ça.

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