Scénario : L'antre du mort-vivant...

Entre son acceptation dans les rangs humains et son arrivée devant la bibliothèque, bien des évènements avaient eu lieu... Ces quelques jours avaient été plus riches de rencontres que toute une longue période précédant son entretien avec Mary Malone. Une Chimère d'Elite, trois Ombres dont une schizophrène et une hallucinée... Même dans ce vaste asile de dingues qu'était Hollow Dream, ça commençait à faire beaucoup. Il avait besoin de repos.

Venir à la bibliothèque n'était pas dans ses intentions de départ, mais après tout, en quelques jours, la leader humaine avait du avoir largement le temps de prévenir ses gens qu'une Chimère allait venir jouer les invités. Au pire, Mary Malone se porterait garante de sa bonne foi, ne serait-ce que pour éviter une esclandre. De toute façon, il faudrait bien qu'il vienne prendre possession de ses quartiers tot ou tard, alors...

Par contre, il devrait se débrouiller tout seul pour rentrer. Il devait être minuit passé et la seule lumière visible était celle qui filtrait du gros judas rectangulaire (plus une meurtrière qu'autre chose d'ailleurs) taillée dans la porte d'entrée. La gueule noire d'un fusil mitrailleur dépassait de la petite ouverture, prête à cracher la mort. On ne rigolait pas avec la sécurité, ici. Mais la forteresse n'était pas si imprenable que ça. Il était déjà entré ici par le passé, en même temps qu'une Ombre habitant régulièrement les sous-sols, et une autre Chimère d'élite, petite par la taille et grande par l'ego, qui avait froid. Mais après ce que lui avait raconté Myst sur Soren, il n'était pas tellement tenté de descendre et risquer de se retrouver nez à nez avec lui... Il semblerait que le doux petit bibliothécaire puisse se montrer méchant si on l'y poussait. Dans ce genre de cas, une seule solution... L'escalade. Quatre étages à monter le lierre rabougri et gelé qui tapissait la façade jusqu'aux combles, où il pourrait probablement retirer quelques tuiles et entrer. Après tout, quand on ne craignait plus les fractures, on n'avait plus rien à perdre...



S'il n'était pas raccroché du bout des doigts à des prises aussi infimes, il se flanquerait des baffes. Il était à peine entre le premier et le deuxième étage, et il avait déjà à tirer de son experience quelques conclusions : primo, sa mutation n'avait rien à voir avec celle de Spiderman, vu qu'il était aussi nullissime en escalade que de son vivant. Secondo, non seulement il était toujours aussi mauvais, mais en plus il était totalement épuisé par l'effort fourni. Eh oui, lui, le mort-vivant, la terreur, Saedroth lui même et en personne renouait avec le nullissime niveau en sport de son moi antérieur. Tertio : même s'il était robuste et fourni en bas, le lierre avait une forte tendance à s'amoindrir au fur et à mesure de la progression. Et au delà du niveau actuel ne fournissait plus aucune prise. Quarto : redescendre en douceur était au delà de ses capacités, et il n'y avait pas de corde de rappel ni personne pour l'assurer. Et enfin, le numéro complémentaire : s'il se laissait bêtement tomber sur les pavés, ça ferait un gros choc, assorti d'un beau crac, et le temps qu'il récupère de ses fractures, il serait cerné par des humains d'humeur fumasse, fraichement réveillés et prêts à lui faire manger du plomb gros calibre.

*Pourquoi j'ai pas décidé d'attendre demain, moi?*

Bonne question. Mais un rien tardive. Se hissant aux prix d'efforts inhumains, il parvint à attraper le rebord d'une fenetre du deuxième étage. C'était déjà ça. Il réussit même à se hisser debout sur le rebord de pierre, dos au mur. C'était encore mieux. Ses bras et jambes lui faisaient un mal de chien. Il était complètement vanné, et préférait ne pas se risquer à un petit somme sur ce perchoir. La situation, d'un ridicule consommé, n'en était pas moins désespérée pour lui. Machinalement, sans trop y croire, il vérifia que le volet de bois était fermé. Il ne l'était pas. Ô miracle des miracles. D'un autre coté, il était très moyennement motivé pour débarquer dans la chambre d'un pauvre humain terrifié qui rameuterait tous ses copains en moins de deux. Même Mary risquait de donner l'alarme ou de réagir bêtement, s'il débarquait comme ça à l'improviste. D'un autre coté, il n'avait guère le choix... Il regarda entre les lames des volets. La chance lui souriait. Une pièce déserte, dont la haute fenêtre ne gardait plus que quelques vitres fêlées, manifestement abandonnée depuis longtemps. Sans plus attendre, il se coula à l'intérieur, silencieux comme une Ombre, et s'allongea en silence, reprenant son souffle. Plus jamais d'escalade, quel que soit le monde où il se trouvait! Au bout d'un petit moment, il avait suffisament récupéré pour examiner la salle. Sans être parfaitement nyctalope, il la voyait comme plongée dans la pénombre, plutot que dans l'obscurité totale où elle était plongée.

Un ancien bureau, ou une salle d'étude à n'en pas douter. Un bureau monumental, d'apparence monolithique, qui aurait fait honneur à un ministre, ou à il ne savait quel grosse tête imbue de son autorité. Le fauteuil qui allait avec. Un autre fauteuil, d'apparence confortable, non loin de la petite cheminée. Une longue table de conférence, quelques chaises renversées. Un sofa qui faisait le coin et une table basse. Quelques guéridons. Un truc qui ressemblait à un escabeau. Aux murs, des rayonnages allant jusqu'au plafond, pleins à craquer de livres. La pièce était pour le moins spacieuse, élairée par deux fenêtres en piteux état, dont celle par laquelle il était entré. Il n'y avait qu'une seule porte. Pourquoi les humains ne se servaient-ils pas de cette salle? Il trouva assez vite la solution en approchant de la cheminée, un petit ouvrage en stuc défraichi : c'était un trompe l'oeil. Il n'y avait pas de conduit partant de l'atre. Du coup, avec ses fenetres exposées plein nord, la salle devenait inhabitable du fait du froid qui y règnait. Pour ce qui était des meubles, personne n'avait pris la peine d'y toucher, le bois de chauffage était tellement abondant entre les ruines et la forêt... Il tenta d'ouvrir discrètement la porte donnant probablement sur un couloir. Rien. Verouillée ou bloquée. Il devrait se résoudre à explorer la batisse un autre jour. Ce qui tombait plutot bien, il était vraiment crevé. Toujours sans un bruit, il s'affaissa dans le fauteuil face à la cheminée factice, allongea ses jambes et s'endormit.

[à qui veut.]

[bon, ben on va tout de même pas gacher un aussi bon post]

Un grincement de porte qui s'ouvre le reveilla en sursaut. Des bruits de pas lourds, comme si on trainait les pieds.

- Saedroth...

Une voix franchement infame. Plus le chuchotement rauque d'un fumeur qui vient de se descendre une pleine cartouche de sans-filtres qu'une voix d'ailleurs. Il sentit un frisson lui descendre le long du dos. Cette voix suintait la mort, la putréfaction. C'était la voix d'une chose vivante qui ne devrait pas l'être.

- Qui... Qui est là?

Les pas s'approchaient, il n'arrivait pas à se retourner. Il devait se lever de ce fauteuil, se mettre en garde, mais il était paralysé. La panique commença franchement à monter en lui. Une panique irraisonnée, incontrolable. Le fauteuil pivota, comme mu par une force invisible. Une heute silhouette, à peine discernable dans l'ombre, lui faisait face.

- Enfin on se retrouve, Saedroth.

On se retrouve? Mais, mais qu'est-ce qu'il racontait? Pourquoi disait-il ça? Et pourquoi Saedroth ressentait-il cette terreur abjecte?

- Qu... Qui êtes-vous? Qu'est-ce que vous me voulez?

Il s'en serait souvenu. Il s'en serait surement souvenu, d'une voix pareille. Et pourtant ce visiteur lui était familier. Horriblement familier. Un rire semblable à la quinte de toux d'un tuberculeux lui répondit.

- Tu me connais. On se connait même très bien, Saedroth. Et tu as quelque chose qui m'appartient...

La silhouette à la fois inconnue et si familière sortit de l'ombre en trainant les pieds. La lueur de la lune découvrit d'abord ses pieds, chaussés des grosses rangers noires qu'il affectionnait de son vivant, puis le reste de la silhoutette, vêtue des vêtements qu'il portait le jour de sa "mort". Impossible. C'était impossible. Ses tremblements se muaient en véritables spasmes de terreur pure. La lueur livide découvrit enfin le haut du corps, et la tête du visiteur. Saedroth hurla. Sous les cheveux noirs coiffés comme de son vivant, la créature n'avait plus de visage. Les muscles à nu avaient pris une teinte malsaine à cause de la décomposition tandis que les dents de la bouche sans lèvres lui souriaient sinistrement du rictus des cranes. Dans les yeux sans paupières brillait une lueur de démence pure, une démence à coté de laquelle tous les êtres de la Vallée étaient des plus sains d'esprit. Le cadavre s'approcha d'un autre pas trainant, et d'un autre, et encore d'un autre. Impossible de se lever de se maudit fauteuil. Arrivé tout près de lui, le monstre le saisit à la gorge. Il voyait maintenant les incisions faites à coup de scalpel dans la chair pourrissante pour en détacher l'épiderme, à l'époque où elle était fraiche. Ces incisions, c'est lui qui les avait faites.

- Tu as quelque chose qui m'appartient, reprit le sosie cadavérique, et tu vas me le rendre. Rend-moi mon visage!

Saedroth hurla de nouveau, un hurlement de terreur absolue... et ouvrit les yeux. Il était dans son fauteuil, face à la cheminée. La pièce était calme. Sa respiration oppressée semblait caverneuse à ses propres oreilles. Quelque part derrière lui, une latte de plancher craqua. D'un bond, il se retrouva debout, dos au fauteuil, ses scalpels à la main. La pièce était vide. Une aube sale et grise filtrait par les fenêtres fermées. Il se calma, lentement. Un petit rire nerveux lui échappa. Lui, Saedroth, le redoutable Saedroth, terrifié par un bête cauchemar. Ridicule. Il rangea ses lames dans ses poches, et se dirigea vers la porte qu'il avait repéré hier. Il faisait jour et il avait du travail : il lui fallait parler à Mary, à propos de ce que Valandra et lui avaient convenu. La clef était sur la serrure. Il n'avait même pas remarqué. Il la fit tourner, et ouvrit la porte. Le couloir était desert. A croire que personne n'habitait dans cet étage. Il s'immobilisa, soudain aux aguets. Des pas. Un humain apparement mal reveillé venait dans sa direction. Avant même que celui-ci ait compris ce qui lui arrivait, il se retrouva face à une Chimère, souriant de toute ses dents (qu'il avait fort pointues) qui lui demanda poliment :

- Excusez-moi, sauriez-vous si Mademoiselle Malone est réveillée et où pourrais-je la trouver, s'il vous plait?

[Mary, c'est à toi ^^]

Les mauvais rêves n'étaient pas l'apanage des Chimères renégates, c'était un fait. Alors que l'aube commençait à se lever, grise, triste, déprimante, mary se retournait dans son lit, en proie à des rêves enfiévrés tous plus délirants les uns que les autres. Elle revivait le désastre de l'hiver, elle s'en sortait, mais sa famille ne l'attendait plus, on la débranchait, elle devenait une Chimère, une Ombre, une Bête... Elle rêva de Vincent et de la tentation qu'il faisait naître en elle... Elle voyait Julien qui la regardait avec dégout, alors qu'elle prenait du plaisir avec le chef des ombres. Elle tenait de le rattraper et elle tombait... elle tombait...

Elle se réveilla en sursaut, trempée de sueur, le coeur battant à tout rompre et le sang pulsant à ses oreilles en un sourd tambourinement. Les cheveux collés au visage, elle s'était redressée et avait porté son visage entre ses mains, histoire de s'éclaircir les idées. Selon Freud, les rêves avaient une signification... Et rêver de Vincent n'en avait qu'une trop horrible. Elle se passa une main dans son opulente chevelure de jais. Saleté d'ombre... Comment arrivait-il à se glisser un chemin jusqu'à ses rêves? Il l'avait prévenu pourtant! Mary était en situation de faiblesse en ce moment, plus vulnérable, plus fragile...

On frappa alors à sa porte, avec hésitation, mais insistance. Enervée, elle répondit d'une voix sèche d'entrer et apparut alors un de ses hommes, l'air totalement effrayé. Intriguée, elle lui jeta un regard interrogatif. Elle était assise dans son lit, les drpas remontés sur ses jambes... pas terrible pour une entrevue mais bon... Il n'avait qu'à pas la prendre au saut du lit. L'autre se mit alors à bredouiller des excuses, avant d'expliquer qu'une Chimère avait surgit de nulle part en demandant après elle. Elle haussa un sourcil surpris. Saedroth? mais comment était-il entré? A l'insu de tous apparemment! Elle retint un claquement de langue agacée. La journée commençait déjà mal.

- "Et que lui as-tu dis?"

- "Que vous n'étiez pas disponible et qu'il fallait attendre..."

Elle s'extirpa des couvertures et alla jusqu'à un petit broc d'eau pour faire un minimum de toilette. Elle s'avisa alors que l'autre était toujours planté là.

- "Je vais y aller. C'est Saedroth, comme tu peux t'en douter. Alors ne va pas alarmer tout le monde, il est entré sur mon accord. Tu peux y aller."

Il acquiesça et repartit. Entré sur son accord Saedroth? pas vraiment... Elle lui avait dit qu'elle l'acceptait, mais pensait qu'il aurait quand même la décence de passer par la porte normale. Pendant qu'elle faisait un brin de toilette, son esprit tournait à toute allure, se demandant ce que le mort vivant lui voulait. Elle soupira, enfila un jean, un T-shirt et un gros pull noir, avant de quitter sa chambre, les cheveux attachés en une tresse lâche.

Elle arriva jusqu'au repère de la Chimère (après celle de l'Ombre, décidément, ils n'étaient plus chez eux) et entra dans la pièce après avoir frappé brièvement.

- "Bonjour! Dis donc, tu es matinal, Saedroth... je ne sais pas si tu es au courant, mais les humains ont besoin d'un minimum de sommeil pour être efficients... Tu as décidé de nous saboter psychologiquement?"

Le ton était léger, presqu'enjoué et indiquait la plaisanterie. Son regard vert pétillait de vie, même si des cernes ombraient ses yeux de chat.

- "Tu aurais pu penser aux croissants quand même..."

Elle sourit, puis redevint sérieuse.

- "Alors, tu voulais me voir?"

- Bonjour, mademoiselle Malone.

La pièce était glacée. Un peu normal, d'ailleurs : il manquait des carreaux, et la cheminée n'était qu'un ornement inutile. Les volets étaient grand ouverts, une attention du nouveau propriétaire des lieux. Fermés depuis des temps antédiluviens, ils avaient protégé la pièce des intempéries et évité que celles ci habiment les meubles et tapis, tout en aérant en permanence. Dès le matin, ça réveillait pas mal, même s'il existait quand même des façons bien plus agréables de commencer la journée.

Assis à "son" bureau, il s'était levé dès qu'elle était entrée. Encore une de ses bizarreries protocolaires. Notoirement renommé pour sa tendance au sarcasme et son insolence, Saedroth semblait bizarrement vouer un respect policé à Mary, ne se départissant jamais ni du "mademoiselle" ni du vouvoiement. Très étonnant, surtout pour une Chimère. La remarque sur l'heure matinal de réveil sembla le désarçonner quelque peu.

- Pardonnez-moi de vous reveiller de si bon matin, je crains que mon style de vie jusque là... irrégulier m'ait quelque peu fait perdre la notion du temps.

Pas que ça, apparement. C'était assez difficile d'en juger sous le ton calme et posé qu'adoptait Saedroth en sa présence, mais celui-ci semblait... hagard? Pale, les traits tirés, il avait l'air d'avoir subi une belle frousse, récement. Il fit un geste vague qui pouvait aussi bien désigner les chaises autour de la table de conférence, qu'il avait relevées, le sofa dans un coin ou le fauteuil près de la cheminée.

- Je vous en prie, asseyez-vous. Je sais que votre temps est précieux aussi essayerais-je d'être bref.

Et pourtant il y avait pas mal de choses à dire.

- Je dois vous faire part d'un certain nombre d'informations, glanées au cours des derniers jours. Tout d'abord, je me suis entretenu avec la Chimère d'Elite Valandra, indépendament de la volonté de son supérieur hierarchique. Une entrevue très enrichissante. Nous pensons tous deux que les actuels efforts mis en place pour combattre les Bêtes sont vains.

Bref. Péremptoire. Mais il y avait là de quoi attirer l'attention de la chef des humains. Parmi ses chasseurs, quelques casse-cous tentaient encore périodiquement de tendre des pièges aux Bêtes. Peine perdue. Dans le meilleur des cas la Bête flairait le piège et s'éloignait, dans le pire le chasseur ne revenait jamais.

- Nous pensons que nous pêchons par manque d'information sur elles. Que savons nous des Bêtes? Rien. Elles semblent invulnérables, mais il est fort probable qu'elles ne le soient pas. Et si elles ont des faiblesses, elles sont consignées quelque part... Je veux parler du manuscrit dans lequel Kim Logan aurait trouvé les instructions relatives à la Clé.

Il marqua un temps de silence, comme s'il réfléchaissait à ce qu'il allait dire.

- Il existe un autre manuscrit. Mais il est actuellement inaccessible. Et je crains que quand nous pourrons de nouveau le lire, il ne sera plus necessaire.

Cette dernière allusion sybilline relevait plus de la pensée exprimée à voix haute que de la conversation.

- Valandra et moi avons convenu que l'alliance était nécessaire pour lutter contre ce fléau. Mais pas une alliance de factions. Une alliance d'individus, humains, Ombres ou Chimères, motivés par la volonté d'oblitérer totalement et définitivement les Bêtes. J'ai pensé que vous seriez interressée...

Décidément, ses rapports avec Mary Malone devaient toujours être placés sous le signe de l'ironie du sort. Il ne prit conscience qu'à retardement de l'absurdité de la situation : selon la logique, Mary aurait du être derrière le bureau, et lui de l'autre coté, en train de faire de l'humour. En toute logique. Mary était une des rares personnes qu'il connaissait ici à ne pas se comporter selon la logique : si elle était rationnelle, elle ne l'aurait jamais accepté, et quand bien même ç'aurait été le cas, elle ne serait pas venue gentiment discuter avec elle sans armes ni garde du corps. En un sens, il lui était reconnaissant de cette confiance, qui le soulageait un peu du poid de la suspicion ambiante : pour tous, il était le "traitre". Et en plus, elle avait beaucoup d'humour.

*Il doit y avoir un vieux grincheux dans un bahut quelque part de l'autre coté qui doit avoir les oreilles qui sifflent...*

Mais ce n'était pas si anodin. Elle aurait pu croire à une mise en scène pour la destabiliser, et mal le prendre. Ou un humain aurait pu ouvrir la porte, pour une raison ou une autre, et ensuite faire courir le bruit que la Chimère avait pris l'ascendant sur leur chef... Il se jura d'éviter ce genre de bourdes à l'avenir. Elle rétablit rapidement l'équilibre en s'installant dans le sofa, trouvant le moyen de prendre une pose à la fois attentive et décontractée. Décidément, il avait encore des cours à apprendre de quelqu'un en matière de subtilité. Il s'approcha pour lui faire face, mais resta debout. Elle l'écouta tout au long de son petit discours, tour à tour intéressée, un rien sarcastique, puis effarée et dubitative. Il était facile de deviner qu'elle serait interressée. Mais elle était moins enthousiaste que lui. Et elle avait raison sur certains points. Il devrait la convaincre.

- Elle a pris des risques énormes en acceptant de me parler. Si une autre Chimère l'apprend... Elle aura le choix entre l'exil ou la mort. Je suppose qu'elle a accepté de me parler moitié en souvenir du passé, et moitié par desespoir. Les temps sont très durs pour les Chimères, comme pour nous tous. J'ai eu du mal à la convaincre de me faire un minimum confiance. Mais contrairement à la plupart des Chimères, elle a réussi à conserver toutes ses facultés mentales. Je crois que c'est elle qui a sauvé un humain du froid... Jérôme Sahyer, il me semble.

Encore une histoire invraisemblable qui se racontait dans la bibliothèque. Lucie Dervian, la patrouilleuse à qui la Chimère Blanche avait confié Jérome, s'était hatée de la raconter à tous ceux qui ne l'avaient pas encore entendue.

- Je crois que même si elle refuse de l'admettre, elle ne croit plus vraiment en Cold, et surtout elle veut en découdre avec les Bêtes. Elle est d'ores et déjà en quête de Chimères prêtes à nous rejoindre. Même si elle fait ça pour son camp, je ne pense pas que Val nous...

Il s'interrompit soudain, l'air parfaitement stupide, et résista à l'envie de se coller une baffe. C'etait pas possible d'être aussi crétin! Appeller Valandra par son diminutif devant Mary Malone en personne! C'est sur que maintenant il allait passer pour parfaitement objectif à propos de la Chimère Blanche! Et en plus Mary allait à tous les coups imaginer des choses...

- Hem, que Valandra nous trahirait, du moins tant que le problème des Bêtes ne sera pas réglé. Ce qui vaut pour toute l'alliance : il est toujours bien plus facile de rallier des gens "contre" quelque chose que "pour" quelque chose. Tout le monde déteste les Bêtes. Tout le monde veut les voir mourir. Et en recrutant individu par individu on est sur de ne garder que des gens motivés et prêts à s'allier avec des "ennemis héréditaires" pour triompher. C'est ça qui a fait défaut à la dernière alliance : il n'y avait pas d'engagement individuels, sauf votre respect : les chefs ont décidé, et ont essayer d'imposer leur décision à leur troupes respectives. Là, l'engagement est personnel et explicite, et en plus, vu que nous ne compterons que des volontaires, nous n'aurons pas de problèmes avec les cas d'individus trop agressifs pour comprendre le principe de l'alliance. A mon avis, c'est la seule solution pour lutter efficacement : les Chimères sont l'élite martiale de la Vallée, mais elles n'arrivent pas à s'organiser efficacement et manquent parfois de discretion. Ce sont des troupes de choc. Les Ombres sont rapides et discrètes, mais leur esprit est autant, sinon plus altéré que celui des Chimères, et elles sont peu endurantes au combat. Ce sont des éclaireurs et des francs-tireurs. Seuls les humains ont l'objectivité nécessaire, et surtout l'équipement et la logistique pour lutter, mais il leur manque la force et la discretion : ce sont des officiers et des logisticiens. En combinant les trois, nous arriverons peut être à obtenir une force réellement efficace. voilà ce que je crois. Et je crois surtout que rester terré chacun chez soi à se tirer dans les pattes à chaque sortie n'aura à terme pour seule conséquence que l'oblitération des trois factions. Je ne suis pas un pur idéaliste, mademoiselle Malone : je crois en un petit nombre d'individus qui ont compris le danger et qui seraient prêt à remettre leurs différents à plus tard pour lutter contre une menace immédiate.

Et si les individus en question n'arrivaient pas à surmonter leurs différents? S'ils n'acceptaient pas un commandement unique? S'ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord? Si les chefs de faction voyaient d'un mauvais oeil cette alliance et décidaient de la faire capoter? Il y avait beaucoup trop de variables en jeu pour que cette hypothèse soit réaliste. Et qui commanderait? Saedroth? Il n'avait aucune expérience en la matière...

- Pour ce qui est des manuscrits, je n'ai hélas pas de preuves qu'ils contiennent quoi que ce soit sur les Bêtes que nous ne sachions pas déjà. J'ignore où se trouve le Grimoire de Kim Logan, ni même s'il n'a pas été détruit...

Il marqua un petit temps d'hésitation.

- Nous ne sommes que trois à connaitre l'existence du second : Moi, Valandra, et vous désormais. Il s'agit d'un exemplaire d'un ouvrage de sciences occultes, le Nécronomicon, que j'ai découvert quelque jours avant l'arrivée de l'hiver... Un ouvrage qui n'a pas d'interet en lui même dans le cas présent, mais qui a été annoté à la main... Une partie des annotations parlait de ce qui allait se passer si on ouvrait la Porte... De ce qui allait réellement se passer. C'est en allant prévenir Cold que je suis passé à travers le plancher du Manoir des Ombres. Le problème c'est que le livre est resté là où je l'ai laissé... Dans mon ancien domicile à l'Antre. Descendre là dedans, même nombreux et surarmés relèverait du suicide. Nous allons donc commencer par fouiller les lieux où nous avons repéré des écussons semblables au symbole du médaillon : il y en a un sur le caveau des Noctiluca, et il y en aurait un autre dans les catacombes. Je répugne à ouvrir le caveau, je commencerais donc par le second si c'est possible.

Saedroth, répugner à ouvrir une tombe? C'est comme s'il avait dit qu'il répugnait à manger de la viande... Ou alors il savait quelque chose qu'il n'avait pas envie de dire spontanément.

- Voilà. Si vous avez d'autres questions, je suis prêt à y répondre. Mais sachez qu'en cas de doute, ma loyauté ira d'abord à ma nouvelle faction. Et à vous.

Un bref instant, le visage de Valandra se superposa à celui de Mary. Et face à elle? Il cligna des yeux, l'illusion disparut. Il ne voulait pas y penser. Il ne devait pas y penser. Dans ce cas précis, quelle que soit la décision qu'il prendrait, il en souffrirait. Il ne souhaitait qu'une chose : ne jamais avoir à prendre cette décision...

Et voilà. Le sort en était jeté. Contre toute attente, il avait le soutien de l'une des trois plus importantes personnalités de la Vallée. Et pourtant, il avait fait tout sauf un sans faute. Il se demanda un instant s'il était vraiment obligé de rester debout devant Mary Malone : il n'était pas militaire, alors le garde-à-vous devant un supérieur, il en était en théorie dispensé. Il se dit qu'il y réfléchirait une prochaine fois.

La réponse de Mary avait beau être "oui", ça restait un "oui mais". Elle n'était toujours pas convaincue à cent pour cent et il aurait encore beaucoup à faire pour celà. Déjà, il ne couperait pas à l'explication pour le caveau, même s'il savait qu'il faudrait en passer par là. De plus, elle soulevait des questions auxquelles il avait déjà songé, mais sans pouvoir y apporter de réponses. Il ne se leurrait pas : elle aussi le suivrait à défaut de mieux, parce qu'elle ne voyait aucune solution crédible. C'était de la folie. C'était peut être pour ça que ça allait marcher. D'abord les explications :

- Je sais que ça risque de vous paraitre un peu vaseux, comme explication, mais j'ai senti quelque chose en passant à coté du mausolée. Pas vu, ni entendu, ni flairé. Juste senti une présence. Mais ça me semblait beaucoup trop actif pour un honnête cadavre, et pas spécialement bien intentionné. De plus, ça doit faire sacrément longtemps que c'est en activité, vu qu'il n'y a aucun accès mis à part la porte principale, et que vu l'état de celle-ci elle n'a pas du être ouverte depuis un demi-siècle, au bas mot. Donc, non je n'ai pas envie de voir cette tombe ouverte, ni par moi ni par qui que ce soit d'autre, du moins pas avant que l'on sache précisément ce qu'il y a dedans...

Il était suffisament véhément pour que Mary puisse aisément comprendre que le caveau lui foutait la trouille. Et il était persuadé que c'était à raison. Au fond de lui, il était persuadé que si la porte du caveau des Noctiluca était ouverte, les Bêtes deviendraient vite le cadet de leurs soucis.

- Pour ce qui est du commandement, c'est là que le bat blesse : un triumvirat serait trop lent à cause des débats, et trop soumis à la tentation de se dissoudre à la première crise... Sans compter le risque qu'un des trois tente d'évincer les deux autres. Mais à priori, tout le monde suivra un chef de sa propre race, et pas un autre. Cold s'est imposé par la violence, mais dans une association de volontaires c'est impensable. Vous vous êtes imposée parce que vous étiez ce qu'on appellerait de l'autre coté une femme providentielle : vous aviez les compétences requises au bon endroit au bon moment. Du coup personne ne remet en cause votre légitimité. Ah, si, les "séparatistes"... Une belle rébellion, ma foi, dans le genre crise d'adolescence : Ils ne quittent pas le foyer, continuent à vous obéir bien qu'à contrecoeur, et l'action la plus violente qu'ils aient tenté contre vous consiste à raler ostensiblement et à dire que vous n'êtes pas compétente, alors qu'ils n'ont rien ni personne de mieux à proposer. Pour mater la rebellion, vous n'auriez qu'à attraper le plus virulent de ces séparatistes et lui infliger un chatiment exemplaire... La fessée devant tout le monde dans la grande salle me semble tout à fait proportionnée à la gravité de leurs actes.

Voilà pour la terrible rébellion des humains. Saedroth s'était très vite aperçu que le soi-disant terrible schisme qui déchirait la faction n'était rien d'autre que les marmonnements d'une bande de mécontents. Et son petit discours ne disait qu'assez le sérieux qu'il accordait auxdits mécontents.

- Nous n'avons malheureusement ni individu providentiel, ni hybride homme-chimère-Ombre sous la main. Reste donc la solution la plus lente : fonctionnement démocratique jusqu'à ce que l'équipe soit formée et qu'un réel chef, accepté par tous, émerge. Voilà pourquoi il ne sera pas question d'emblée d'opération d'envergure. Quand aux petites annonces... Disons que le système du démarchage individuel collerait mieux à la structure...

Il y avait réfléchi. On ne pouvait pas lui enlever celà. Ceci dit, entre la théorie et la pratique, il y avait toujours une marge...

- On verra. Soren probablement, s'il nous rejoint. Il n'est pas très apprécié parmi les siens, si la rumeur est vraie, mais c'est une Ombre. Et la seule qui ait manifesté des intentions non-hostiles à notre égard.

"Notre"? Même si politiquement Saedroth se classait parmi les humains, ça paraissait quelque peu exagéré. D'une part parce que personne ne risquait de confondre un type comme lui avec un humain, d'autre part parce que Soren semblait avoir une dent personnelle contre lui.

- Si nous voulons que cette ligue soit crédible, il nous faut au moins un représentant de chaque espèce.

Logique. Et évident : il comptait profiter de la nature multipartite de la ligue pour se protéger des guerres interfactions en jouant la neutralité. Si toutes les forces en présence ont des ressortissants dans la ligue, et que les interêts de celle-ci vont dans le sens de l'interet commun (ce qui était indiscutablement le cas) personne ne s'en prendrait à eux, ouvertement du moins. L'affirmation de Mary abondait dans ce sens : soutenir ouvertement la ligue la décrédibiliserait, car elle apparaitrait alors comme un instrument des humains. Un soutien occulte lui était infiniment plus utile : les volontaires auraient son accord, même tacite, et son aide pour rallier ses rangs et peut être pourrait-il espérer un soutien logisitique. C'était mieux que rien. De beaucoup. En fait, à moins de se mettre à sa disposition avec sa faction toute entière, ce qui était de toute façon impossible même si elle l'avait voulu, elle ne pouvait pas mieux faire...

- Je commence à accumuler les dettes envers vous, mademoiselle Malone. Je vous devais déjà une vie, je vous dois maintenant bien plus... Même si dans le second cas c'est surtout un investissement.

Oui, mais risqué. Lui et sa fine équipe pouvaient finir décimés par les Bêtes ou à couteaux tirés à cause de dissensions internes. Ils pouvaient se retrouver traqués par un chef de faction moins tolérant. Ou alors, le pire de tout, ils pouvaient s'apercevoir que les Bêtes étaient invincibles, invulnérables et qu'il n'existait aucune solution. La seule nouvelle de cet état des faits entrainerait probablement la plus grosse vague de desespoir qui se soit jamais vu dans la Vallée... Avec les conséquences qui allaient avec sur les humains. Au contraire, s'ils arrivaient à trouver un point faible, quelqu'il soit, une solution pour éradiquer le fléau qui terrifiait tout Hollow Dream, ils rendraient espoir à des humains sur la corde raide, dangereusement près de la métamorphose.

Elle avait surement envisagé les possibilités, elle aussi. Sous son propre point de vue. Elle était plus fine politicienne que lui. Et elle avait plus à perdre. Il ne jouait que sa peau, et encore, sans aucun espoir de retour. Elle mettait dans la balance une entière faction de gens pour qui il restait encore de l'espoir. Même sur le plan personnel, un échec la fragiliserait encore davantage face aux séparatistes, qui pourraient alors devenir une réelle menace. Il fallait une bonne dose de folie ou de desespoir pour s'en remettre à lui avec de tels enjeux. C'était un coup de poker monstrueux, avec une mise qui se chiffrait en vies humaines. Un instant il se sentit écrasé par le poids de tout ce que son projet signifiait et songea franchement à renoncer, à annoncer que tout ceci n'était qu'une blague ou un truc du genre. On laissait tomber et on n'en parlait plus. Sauf que comme il avait dit lui même : à long terme, le statu quo, c'était la mort.

Mais il avait encore nombre de chats à fouetter avant de s'attaquer au travail en lui même : il fallait recruter, réunir, étendre son influence. Il ne comptait pas sur le poids du nombre pour vaincre, mais sur des individus intelligents et courageux. Qu'il faudrait recruter au cas par cas. Il faudrait trouver quelqu'un qui commande le groupe. Il s'était bien sur envisagé, mais c'était un choix douteux : sa trahison lui avait collé une sale réputation, et il n'avait ni la force d'un Cold, ni la finesse d'une Mary, encore moins le charisme silencieux d'un Vincent. Il était facile à destabiliser, son entrevue avec Valandra lui l'avait montré. Et même si certaines Chimères et Humains le suivaient, les Ombres n'avaient aucune raison de faire de même. Tant pis, il y avait plus urgent, il verrait quand l'occasion se présenterait.

Même si elle plaisantait à ce sujet, Mary semblait plus soucieuse que lui à propos des séparatistes. Normal. Lui n'avait pas les mains dans le cambouis sur ce coup-là. Il n'était que simple spectateur. Mais ça pouvait changer.

- Si vous avez tant que ça besoin des service d'un executeur des hautes oeuvres, dit-il avec un sourire féroce, je puis tout à fait m'en charger... Pour la fessée ou autre chose.

Le sourire disparut. Il répugnait à proposer pareilles méthodes, plus dignes de Cold que de Mary, mais en politique, il fallait parfois consentir à se salir les mains.

- Les séparatistes pourraient partir pour la chasse un beau matin et ne jamais revenir, si tel est votre désir. Ils sont encore suffisament peu nombreux pour que ça puisse se faire discrétement. Hollow Dream est un endroit dangereux. Les Chimères, les Ombres, les Bêtes... Personne ne songerait à autre chose qu'une mauvaise rencontre. On ne retrouverait jamais les cadavres.

C'était le style de Cold, dans le temps, dans ses jours de finesse. Machiavel règlait discrètement le compte de tout opposant politique susceptible de faire des ennuis. Pour les cas moins grave, une bonne vieille crucifixion en public rappellait à qui de droit que le maitre des Chimères n'aimait pas la contestation. Il voyait mal Mary verser dans ces travers-là, mais la situation était grave. Privés de leur cohésion, les humains n'avaient aucune chance. Ils le savaient tous deux. Restait à savoir jusqu'où elle était prête à aller pour maintenir cette cohésion...

Ainsi soit-il. Autant dire qu'il était plutôt soulagé de ne pas avoir à faire disparaitre l'opposition politique. Inquiet, aussi. Ils pouvaient fort bien ne pas être aussi délicat. Il l'avait vu juste avant l'Hiver, quand les trois factions s'étaient battu entre elles au point de presque s'exterminer mutuellement : sur le plan de la cruauté et de la sauvagerie, les humains n'étaient pas systématiquement derniers, très loin de là.

- Ce doit être pour celà que je vous ai rejoint vous, plutot que d'essayer de me racheter une conduite ou de faire du pied aux Ombres : vous raisonnez encore en personne normale. Cette foutue vallée n'a pas encore fait de vous un monstre.

Il s'arrêta un instant. En avait-il trop dit? Il n'aimait pas trop dévoiler le fond de son ame. Son image de Judas monstrueux et psychotique le dégoutait, mais il ne pouvait pas se permettre de passer pour un romantique.

- Je respecterais votre décision... Sauf s'ils tentent d'attenter à votre vie. La première chose que ferait un nouveau chef, quel qu'il soit, serait de me jeter à la porte ou pire.

Plutot foireux comme pretexte. Et pas du tout vrai. Mais lui dire qu'elle lui était trop sympathique pour qu'il admette qu'on lui fasse du mal... C'était à la fois navrant de puérilité et vexant pour elle. Décidément il avait beaucoup de mal avec les femmes ces derniers temps. D'abord Val (pas Val, espèce d'imbécile, Valandra! Valandra, Chimère d'Elite au service de Cold et qui doit se bidonner comme une folle en repensant à ton regard bovin d'ado boutonneux en rut!), ensuite elle... Il fallait qu'il retrouve son objectivité. Se laisser destabiliser par le premier joli minois venu, ça avait failli lui couter très très cher avec Rosace de Lancourt. Et lui n'en avait rien retenu. Pourquoi est-ce qu'il n'y avait pas de moches à part lui dans cette foutue Vallée?

- Pour ce qui est des humains, je ne peux rien garantir et vous le savez. Ce ne sera pas une petite partie de chasse ordinaire dans la forêt. Et que diraient les Ombres ou les Chimères si je gardait une partie de mes effectifs à l'abri du danger? Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir. Je n'ai pas envie d'avoir des morts sur la conscience.

Et pourtant il savait qu'il en aurait tot ou tard. Ce serait le prix à payer. Mais il voulait éviter la casse, et pas seulement chez les humains. Chaque homme, ombre ou chimère qui le rejoindrait serait membre de SON équipe avant d'être quoi que ce soit d'autre. Il apprendrait à le connaitre, à combattre à ses cotés. C'était inévitable. Il souffrirait d'autant plus de chaque trépas.

- Je crois qu'il n'y a rien d'autre à ajouter. Si, peut-être : ne sous estimez pas Soren. Il a beau paraitre inoffensif il est très intelligent. C'est pour celà que j'ai besoin de lui : il me faut des cerveaux. Et j'ai appris de source sure qu'il savait se comporter en Ombre.

[Rooo, désolée de l'attente ]

Non, Mary ne perpétuerait pas des meurtres pour sseoir son autorité. C'était indigne d'elle. pourtant, une petite voix perfide lui souffla qu'elle ne s'était pas toujours montrée aussi pointilleuse par le passé. Elle avait très bien su lancer une attaque et trahir ses alliés pour le bien des humains. Enfin, elle le croyait à ce moment là... Oui, mais ce n'étaient que des Chimères et des Ombres! Elle préférait les sacrifier eux que ses troupes. Or aujourd'hui, elle devrait tuer des humains pour conserver son pouvoir sur ces mêmes humains. Non, non, non, et non! Elle se débrouillerait autrement ou elle perdrait son statut...

Elle esquissa un léger sourire quand Saedroth lui répondit que c'était pour cela qu'il l'avait rejointe. Son sourire se fana pourtant quand il ajouta que la Vallée n'avait pas encore fait d'elle un monstre. Elle pensa amèrement qu'elle n'en était pas si sûre. Déjà, elle avait bien changé, elle le savait. Plus dure. Et ce changement ne lui plaisait pas. Quelques fois, elle se demandait si quand elle se réveillerait, elle garderait ce nouveau caractère ou oublierait tout pour redevenir l'ancienne Mary.

Saedroth s'était interrompu quelques instants pour reprendre. Il respecterait sa décision, mais la protégerait si quelqu'un venait à tenter de l'éliminer. Il argua le fait que c'était pour son propre confort, mais Mary se demanda si ce n'était pas aussi parce qu'il l'aimait bien. Bah, c'était stupide comme idée... Saedroth était une Chimère.

Il revint sur le sujet de la protection des humains. Elle acquiesça à ses paroles. Bien sûr qu'elle savait qu'il ne pouvait pas les protéger totalement. Mais elle voulait qu'il y fasse attention tout de même. Ce qu'il avait l'intention de faire d'après ses dernières proles. pas envie d'avoir des morts sur la conscience. Nouveau rictus amer de la part de Mary. Combien en avait-elle elle? trop pour être comptés... Et Saedroth le découvrirait aussi. Il allait perdre des camarades de galère, sur son idée.

Enfin, Saedroth mit en garde Mary. Ne pas sous-estimer Soren. Il était intelligent et savait se comporter en ombre. Elle se retint de demander ce que cela voulait dire. Elle préférait ne pas le savoir. En tout cas, elle répondit :

- "Je ne le sous-estime pas. Simplement, je me demande quel poids peuvent avoir ses paroles pour les siens. Ce n'est pas un combattant... Mais je sais qu'il est intelligent et qu'il vous sera utile. Mais pas sur le terrain. Mais qui sait? Peut-être pourrait-il me surprendre. Agréablement, je l'espère."

Elle haussa les épaules et décida de prendre congé.

- "Eh bien bonne chance Saedroth. N'oublie pas de me tenir au courant."

Sur ce, elle lui adressa un léger sourire et fit voklte-face pour sortir de la pièce et aller s'expliquer avec un certain homme qui avait été interpellé par la Chimère tantôt.

[Fin topic pour moi]