Patience et impatience...[pv Selène]

C'était pas possible ce froid ! Pire que l'hiver en Alaska. Enfin, c'est comme tout, il faut s'y habitué. Levant ses mains a son visage, il souffla doucement sur ses doigts. Engoncé dans une parka des plus épaisse, Maxime guettait la clairière et commençait sérieusement à avoir froid. Mais il n'avait pas le choix, la reserve de viande commençait à montrer quelques signes de faiblesse, et vu qu'il était le seul chasseur encore en vie, il n'avait pas franchement d'alternative. Cela dit, peut être qu'il formerait Xarha. Un léger sourire ombra son visage. Avec elle pas besoin d'arme, sa langue acide était assez efficace pour tuer dès qu'elle ouvrirait la bouche. Adossé au tronc d'un chêne, son regard vert vrillé sur la plaine devant lui, il patientait. Ouais, heureusement que l'armée lui avait apprit cette vertue, sinon, il ne serait pas sortit de l'auberge. Du coin de l'oeil, il guettait le passage d'un troupeau de cerfs. Il savait qu'ils passaient régulièrement par là, ayant pisté leur traces et leur excréments.

En silence, il pesta contre tout et n'importe quoi. Quelle idée de se geler pendant que les autres restaient bien au chaud ? En plus, il était obligé d'y aller seul...Bah, il était assez tête brulée pour le faire sans ronchonner. Et quelque part, il espérait croiser le chemin d'une certaine boule de furoncle, ou alors de Mirahil. Il ne l'avait pas vu depuis la dernière fois, un carnage cela dit en passant, et il se demandait comment se portait la jolie Espionne. Néanmoins, il ne la cherchait pas spécialement, sachant très bien qu'elle pouvait surgir n'importe où, n'importe quand. Mary lui avait passé un savon à ce propos d'ailleurs, mais comme lorsqu'un sujet ne méritait pas de discution, il avait fait la sourde oreille. Qu'y pouvait il si la Meneuse n'aimait pas Mirahil ? Il haussa mentalement une épaule en maugréant après les femmes apparentées aux mules.

Il frotta ses doigts sur son pantalon, activant la circulation et continua d'attendre. Pfff...Il regrettait presque la présence de Lucie et son bavardage, enfin, elle aurait eut le chic pour faire fuir le gibier...Il leva un regard vert sur le ciel. Toujours aussi gris, jamais il n'avait vu la Vallé ensoleillée...Encore qu'il avait de la chance, il ne neigeait pas.

Voilà maintenant plusieurs heures que ce petit groupe d'Ombres parcourait la forêt à la recherche d'une proie humaine. Le temps était plutôt clément ce jour là, et la neige avait cessé de tomber. Pourtant, étrangement, les bois restaient désespérément vides d'âmes fraîches et les trois Ombres commençaient à penser qu'ils rentreraient bredouilles. A peine avaient ils aperçu un groupe de cerfs qui se dirigeait vers la clairière. Bien que ces animaux ne présentaient guère d'intérêt à leurs yeux, Selene avait insisté pour qu'on les suivent. Puisque les humains préféraient restés cachés, ces lâches, rien n'empêchait ses compagnons et elle de prendre un peu de bon temps en traquant ces pauvres bêtes ! Acceuillant cette idée saugrenue avec un certain plaisir teinté de sadisme, ses compagnons et elle se mirent en chasse de leurs faibles proies.

Il s'engagea alors une course folle à travers la forêt, les Ombres rivalisant entre elles de vitesse et d'agilité pour traquer les animaux qui, affolés, s'était éparpillés et détalaient à toutes jambes. Ils étaient rapides et se faufilaient entre les arbres, sautant avec élégance et grâce par desses les obstacles qui ne manquaient pas de joncher le sol glacé. Pareils à des enfants, les Ombres filaient à toute allure, leurs pas légers touchant à peine le sol. De temps en temps, comme par jeu, ils lévitaient jusqu'aux plus basses branches des arbres et tels des petits singes habiles, passaient de branches en branches, d'arbres en arbres, s'approchant inexorablement de leurs proies.

Selene, pour la première fois depuis très longtemps se sentit enfin revivre. Cela faisait des semaines qu'elle restait enfermée dans le manoir, l'humeur si sombre et morose qu'elle en était même venue à perdre le goût de la chasse. Mais aujourd'hui elle se sentait étrangement revigorée et prête à chasser, traquer, torturer et abattre n'importe quelle créature, même s'il ne s'agissait que de pauvres animaux. Faute de mieux elle saurait s'en contenter. Son rire sardonique s'éleva doucement dans les airs lorsque, penchée sur le haut d'une branche, elle aperçut un cerf, juste en dessous d'elle. Celui ci soufflait bruyament semblant épuisé. Il hésita un moment puis se remit à courir vers la petite clairière que l'on apercevait à quelques mètres à peine.

Suivant des yeux la piste que l'animal venait d'emprunter, Selene sourit soudainement. Ses yeux se mirent à étinceler d'une lueur froide et sadique. Là, dans la clairière, aussi isolé que possible, la silhouette d'un homme se dessinait. Un humain ! Selene avait trouvé un humain ! Derrière elle, le bruit de ses camarades approchant se fit entendre. L'esprit de la jeune femme ne fit qu'un tour. Il était hors de question de partager avec qui que ce soit cet humain ! Tant pis pour les autres...

Sautant à terre avec souplesse elle jeta un regard derrière elle. Ses compagnons étaient occuppés avec les cerfs et s'amusaient à les effrayer, les rabattant vers les profondeurs de la forêt, histoire de faire durer un peu plus longtemps leur supplice. Grand bien leur avait pris ! Cela laissait toute liberté à la jeune femme de s'approcher seule de ce téméraire humain.

A pas de loup, elle approcha de l'inconscient jeune homme. Celui ci ne semblait pas encore avoir détecté sa présence. S'arrêtant un instant, elle remarqua que ce dernier se trouvait au tout début de la clairière, tout près d'un grand arbre dont les branches noueuses et apparemment solides descendaient jusqu'au dessus de lui. Exactement ce qu'elle recherchait ! Ne se préoccuppant plus le moins du monde de ses compagnons qu'elle laissa à leur chasse bon enfant, elle se dématérialisa et rejoignit l'arbre en question. Aussi silencieuse que possible, elle aggrippa la première branche et commença son escalade.

Lorsque, enfin, elle fut parvenue sur la seule branche susceptible de la porter et qui fut suffisemment prêt de l'humain, elle s'agenouilla dessus avec précaution et sortit l'un des dagues qui ornaient sa ceinture. Prenant bien soin de ne pas blesser cet homme avec lequel elle comptait bien s'amuser un instant, elle lança une dague dans sa direction. Celle fendit l'air et vint se planter juste à ses pieds.

Avant même qu'il n'ait pu réagir, Selene se matérialisa à nouveau et s'adressa à lui :

- " Il faut être terriblement courageux ou incroyablement stupide pour oser ainsi s'aventurer seul en ce territoire. Puis je savoir à qui ai je l'honneur ? " la voix de la jeune femme était mutine et empreinte de moquerie tout autant que d'assurance.

Agenouillée sur sa branche, ses cheveux bruns lui tombant devant les yeux, elle observa avec attention cet imprudent promeneur attendant avec impatience de voir quelle serait sa réaction. Lorsqu'elle plongea dans son profond regard Selene eut l'impression que la rencontre promettait d'être des plus intéressantes. Elle aurait presque pu le jurer : contrairement à ce que bien des humains auraient ressenti, cet homme lui, n'avait pas peur le moins du monde. Et Selene en était on ne peut plus ravie.

Sa patience commençait sérieusement à s'émousser. Le plus étrange étant qu'aucun cerfs n'avaient pointés le bout de son museau. Pourtant, il était sur et certain qu'ils devaient empreinter ce passage. Quelque chose avait du les faire dévier de leur route. Mais quoi ? Plongeant le menton dans sa parka, il jura doucement en passant une main dans ses cheveux ras. Encore une sale boule de pus qui fait joujou a tout les coups ! Elles avaient le chic ces sales bestioles ! Il ne pouvait se défiare que l'idée d'un rouleau de poil suintant la putréfaction ce trouvait peut être dans les parages. C'était quoi déjà son nom à cette bestiole malodorante ? Ah oui ! Chahîd. Ouais, encore un prénom débile à souhait. Il n'avait pas conscience d'avoir été repéré et encore moins qu'il faisait baver une silhouette grise et ondoyante. Cela dit...Shuiiiiiiiiit ! Et merde !

Maxime se redressa subitement en dégainant son arme et fouilla les alentours des yeux. Qui avait eut l'idée saugrenue de lui balancer une dague ? Ce n'était pas le genre de Mirahil, trop bourrin, alors qui ? Chahîd lui aurait déjà sauté dessus...Un mouvement subtile au dessus de sa tête, il leva lentement les yeux, affrontant le feu d'un regard presque aussi vert que le sien, a ceci près qu'il y dansait de mystérieuses nuances de bleu. Bon, pas besoin d'être Eisntein pour comprendre qu'il était surplombé par une Ombre. En effet, la pâleur translucide de la peau ainsi que ce visage, très beau cela dit en passant, prouvait sans conteste la race de la...demoiselle. Il haussa un sourcil en entendant ses paroles moqueuses et rengaina son arme. Guère utile contre ces machins sans consitance.

-Je suis incroyablement courageux et terriblement stupide.

Finit il par répondre sans rien laisser trahir de son état d'esprit. Fallait toujours se méfier de ses créatures. Même si il pouvait qualifier sa relation avec Mirahil d'amicale, il n'en allait pas forcément de même pour les autres.

-Et vous ? Je suis un gentleman, je laisse toujours l'honneur aux femmes de se présenter les premières.

Railla-t-il tranquillement, ne la quittant pas des yeux.

-Laissez moi deviner...Mmmh..une petite fringuale c'est ça ?

Depuis son arrivée ici, il avait oublié toute notion de peur, sachant que trop bien qu'elle était le mets préféré des Ombres. Franchement, ils étaient bien barrés en tant qu'humain dans ce monde. Entre les Chimères qui en voulait à leur beefteak et les Ombres qui en avait après leur âmes...

Lestement, Selene sauta à terre. Se relevant, elle repoussa lentement de la main les méches qui lui couvraient le visage et lentement s'approcha du jeune homme. Celui ci semblait quelque peu différents des humains qu'elle avait pu "rencontrer" depuis qu'elle était devenue une Ombre. Alors qu'elle lui avait lancé son arme ce dernier n'avait pas bougé ni même sourciller. Et sa voix reflétait un sang froid assez plaisant, il lui fallait le reconnaitre.

Intriguée, Selene avança un peu plus encore. Arrivée à quelques centimètres de lui, elle écarta lentement les pans de son long manteau noir et avec précaution se saisit de l'une de ses dagues restantes. Jouant ostensiblement avec celle ci, sans pour autant se montrer le moins du monde menaçante, elle lui dit :

- " Faim ? Pas tellement à vrai dire... Mon dernier "repas" ne remonte pas à si longtemps que cela. Et de toutes façons je suis plus du genre gourmet que gourmande. On m'a toujours appris à ne pas abuser des bonnes choses , railla t'elle à son tour en examinant de bas en haut l'humain. Celui ci était comme qui dirait bien bâti et même sous cet épais anorak, Selene devina avec un certain plaisir, des muscles biens dessinés. Elle ajouta : Mais je dois admettre que certains humains sont de si belles pièces qu'ils en viendraient presque à me pousser à commettre un horrible pêcher de gourmandise..."

Pendant un instant elle resta silencieuse, se contentant de tourner autour de l'individu. Selene jaugeait, jugeait et force lui était faite de reconnaitre qu'elle admirait cet humain qu'elle trouva plutôt à son goût. Mais ce qui plaisait à la jeune femme, encore plus que cet avantageux physique c'était cette insolence, cet air de défi qu'elle sentait vibrer chez cet homme. Elle aimait qu'il lui tienne tête tout comme elle appréciait sa capacité à ne pas céder à la peur.

- " Incroyablement courageux, terriblement stupide et en plus gentleman ? dit elle d'un ton franchement amusé, énumérant les uns après les autres, les propres termes que l'humain avait utilisé pour se décrire. Elle se trouvait alors derrière lui lorsque, se hissant sur la pointe des pieds, elle se pencha vers lui lentement et lui murmura d'une voix suave au creux de son oreille : Cela fait bien des qualités pour un seul homme, vous ne trouvez pas ? "

Selene ne put retenir un léger éclat de rire. Cette rencontre, bien qu'elle ne se présenta pas le moins du monde comme elle l'avait imaginée, l'amusait et dans une certaine mesure même, l'enchantait. Et il n'y avait plus chez la jeune femme le moindre désir de faire de cet homme l'une de ses proies... Tout du moins pour l'instant. Elle revint se poster devant lui et, un sourire presque aimable sur les lèvres, ajouta :

- " Je ne suis pas certaine que votre sens de la galanterie me convienne mais... Si un grand gaillard comme vous est bien trop timide pour oser se présenter en premier je vous simplifierai donc la tâche ! Pour faire simple je dirais que l'on me nomme Selene. "

A ces mots, et d'un air aussi taquin que sérieux, elle esquissa une brève révérance. Puis, se relevant, elle s'éloigna un peu du jeune homme et alla s'appuyer contre l'arbre duquel elle avait sauté quelques instants auparavant.

- "Consentirez vous, maintenant à me dire votre nom ? "

Maxime s'appliqua à ne rien revelé de ses pensées lorsque la demoiselle daigna descendre de son perchoir. Dommage, il n'avait pas de camembert. Ce fut à peine si il sembla remarquer qu'elle faisait joujou avec sa dague alors qu'elle franchissait son périmètre de tolérance sans gêne. Il haussa un léger sourcil. Bien, il devait avouer qu'il n'était pas....Super rassuré mais, chez lui, ça n'avait pas pour effet de faire naitre la peur, depuis le temps qu'il disait qu'il était zarb, ça le confirmait dans son jugement. Et voilà qu'elle lui tournait autour tel un vautour en déblatérant sur ses goûts...culinaire. En l'écoutant, il comprenait ce que devait ressentir les femmes reluquées avec insitance par un mâle en rut. Sauf que là, il doutait d'exciter la « gentille » ombre.

-Content d'être à votre goût. Si, si, je suis flatté, cela dit, j'aime pas trop être disséqué comme un bout de barbaque. Une atteinte à mon intégrité de mâle si vous voulez.

Il leva les yeux en la voyant continuer à faire ses petits ronds et se fendit d'un sourire railleur.

-Vous allez choper le tournis avec tout ça. Vous voulez mes mensurations ?

Le militaire ne frémit pas lorsque l'Ombre s'approcha tellement près qu'il pouvait presque distinguer les petites taches de bleu qui s'égrènaient dans ses prunelles. Sang froid et calme. Mouais, là, il faisait vraiment honneur à son régiment. Bien que quelque un de ses compagnons de chambrée se seraient certainement fendu de propos fort vulgaire sur une jeune femme agissant telle que cette silhouette grise.

-Qualités ? Ouais, peut être bien, certaines vous dirait que c'est l'homme idéal, vous en avez de la chance.

Il la laissait faire son petit manège en la suivant des yeux, aux aguets d'un mouvement brusque alors qu'elle s'arrêta devant lui, un léger sourire sur le visage. C'était à peine croyable le nombre de beautés que comptaient le camps des Gris, un instant, il pesta contre ça, c'était trop injuste. Mais elle eut tôt fait de le ramener sur le droit chemin.

-Douteriez vous de ma « galanterie » ? Femme de peu de foi ! Croyez moi, je suis tout a fait du genre à vous tenir la porte...Je ne dis pas que je vous suivrais cela dit.

Rétorqua-t-il avant de se fendre d'un léger sourire en coin lorsqu'elle mima une réverence. Il fut presque tenter de faire un salut militaire mais jugea qu'il valait peut être mieux éviter.

-Sélène ? Ca me fait penser à cette déesse de la lune...Ouais, ça vous va bien. Bon, puisque vous avez eut la grâce de vous présenter, je serais un goujat de ne pas faire de même. Maxime.

Il soupira avec exagération.

-Je vous épargnerais mon matricule, je doute que cela vous interesse.

Ajouta-t-il avec un fin sourire. A vrai dire, la situation l'amusait. Mais il n'était pas nouveau que le danger l'amusait. C'était, comme qui dirait, son moteur.

Selene écouta le jeune éphèbe lui répondre avec cette pointe d'ironie qui semblait faire partie intégrante de sa personnalité. Son humour et son sens de la répartie l'amusaient grandement et la jeune femme ne put s'empêcher de lui sourire. Se laissant à présent glisser le long de l'arbre, elle s'assit à même le sol. Ou pour être encore plus précis, elle s'allongea sur le ventre, les deux coudes posés sur le sol gelé et sa tête mutine reposant sur ses mains ouvertes telle une coupe. Derrière elle lui parvint le cri déchirant d'une bête en train d'agoniser. Une lueur sadique traversa alors son regard. Jetant une bref coup d'oeil par dessus son épaule, elle murmura :

- " On dirait que mes compagnons ont finalement trouvé de quoi s'amuser avec ces quelques cerfs... Tant mieux... Il a tellement neigé ces derniers jours que nous commencions tous à sérieusement nous avachir, enfermés dans son bon vieux manoir. Son regard revint se poser sur l'humain. Malicieuse à souhait elle sourit de plus belle et poursuivit, la voix moqueuse : Oh ! Mais j'y pense... Peut être était ce ces animaux que vous attendiez Maxime ? Pardonnez moi alors de vous avoir privé, vous et les votres, d'une pourtant si piètre nourriture. Bien que j'ai moi aussi appartenu au clan des humains pendant plus d'une décennie cela est si loin maintenant que j'en suis venue à oublier toutes ces pitoyables petites contingences matérielles auxquelles vous êtes si souvent confrontés. "

La moue se fit plus boudeuse, les yeux étincellèrent un peu plus encore lorsqu'elle se décia à se relever, le froid émanant de cette terre gelée commençant à l'engourdir. Très légèrement sur ses gardes elle revint se poster en face de l'homme et, presque aimablement, lui tendit la main en disant :

- " Enchantée de vous rencontrer Maxime... Ancien militaire alors ? questionna t'elle faisant allusion au numéro de matricule qu'il venait d'évoquer. Intéressant... Cela pourrait expliquer votre impressionnant sang froid... et faire de vous un adversaire redoutable. Mais, pas aujourd'hui ! lança t'elle joyeusement. Même si un petit duel ne serait pas pour me déplaire j'avoue que je n'ai aucune envie de me battre contre vous. Du moins pour cette fois : peut être un jour devrons nous nous affronter mais je souhaite sincèrement que cela ne soit pas pour ce jour. Allez savoir pourquoi, votre compagnie m'intrigue et me plaît bien...Il y a si longtemps que je n'ai eu le loisir de discuter avec un humain ! D'habitude les votres et les miens ont un mode de "discussion" bien plus physique et violent... "

Selene fit un geste de la main en direction de la forêt et lui déclara :

- " Mes amis ne sont pas très loin derrière nous et il y a fort à parier qu'ils finiront tôt ou tard par nous rejoindre. TOut comme je doute de pouvoir expliquer ma conduite "amicale" envers vous, je doute qu'ils se montrent aussi pacifistes et cléments que moi... Peut être pourrions nous nous éloigner quelque peu et poursuivre cette charmante conversation ? "

Pas plus que lui, Selene ne semblait avoir peur. Elle aimait cette petite joute oratoire la liant à cet humain au charme intriguant et ne voulait pour rien au monde y renoncer tout de suite. Et à l'instant présent elle se fichait pas mal de ce que certains ne manquerait pas de penser de cette fraternisation ! Après tout, cela ne regardait personne d'autre que Maxime et elle. Et s'ils discutaient aujourd'hui, Selene savait que cela ne les empêcherait en rien de se battre à mort le lendemain !

-" A moins, bien sur, que je ne vous fasse peur à vous et à votre... "virilité" ! se moqua t'elle gentillement. Abaissant légèrement la tête, laissant ses mèches brunes venirent à nouveau voiler son espiègle regard elle acheva : Croyez moi, bien que charmante, je ne m'intéresse nullement à votre personne. Et votre matricule et l'histoire qui s'y rattache m'interessent bien plus que vos mensurations petit prétentieux ! De plus, j'ai une proposition honnête à vous faire : que diriez vous de nous mesurer l'un et l'autre en tant que chasseurs ? Ces bois regorgent de gibier, enfin pour qui sait les débusquer, et il pourrait être amusant d'en faire nos proies. Qu'en dites vous ? Cela vous éviterait l'humiliation de rentrer bredouille au camps des humains quant à moi cela me donnerait le loisir de me dégourdir quelque peu les jambes. Sans compter que... vous pourriez me parler des votres, notemment de cette Mary Malone dont Vin... dont notre chef m'a quelques fois parlé. "

Selene, curieusement, semblait avoir vu toute sa morosité s'envoler depuis que ses pas avaient croisés ceux de Maxime. Par moment, elle en venait même à oublier qu'ils étaient tous deux des membres de clans ennemis et que la situation qu'elle avait provoquée était quelque peu surnaturelle. Mais Maxime lui rappellait ce qu'elle avait été pendant plus de quatorze ans et bien que cela la fasse terriblement souffrir aussi cela lui réchauffait un peu le coeur. Elle avait tué, et tuerait encore, tant et tant d'humains qu'elle en avait presque oublié ce que c'était d'être des leurs. Elle avait oublié qu'elle aussi avait été comme eux et qu'elle avait espéré, encore et encore, de pouvoir un jour s'enfuir de cette Vallée. Et bien qu'elle ait toujours bénéficié de la protection bienveillante du Chef des Ombres elle se souvenait très bien de ce que c'était que de sortir chasser, la peur chevillée au corps à l'idée de devoir se battre contre une Chimère ou une Ombre.

Aujourd'hui tout cela lui revenait subitement à l'esprit et elle n'en était que plus admirative encore du courage dont faisait preuve Maxime.

Et voilà qu'elle s'allongeait au sol ! Son visage refléta un instant la surprise avant qu'il ne sourit légèrement. Il éviterait de faire de même, son petit cul était assez gelé comme ça ! Etrange rencontre que celle là. Mais il avait apprit depuis longtemps que la Vallé aimait ce genre de petite...relation. Comme si elle se moquait, comme si elle riait en attendant de les bouffer tout cru. Certes Ombre et Chimère étaient ce que les humains dans son genre avait plus a craindre, mais leur ennemi commun restait la Vallé et ses Bêtes. D'ailleurs...;Il fit un rapide tour de la place d'un regard. Vache ! Il espérait bien qu'il n'en viendrait pas ! Puis, il reporta ses prunelles sur Sélène lorsqu'un cri déchirant ce fit entendre. Il affecta un soupir exagéré.

-Là, il y a de l'abus. Tout ça pour faire joujou. Vous savez y a bien quelque sale bestiole qui vous offrirait bien plus d'amusement que quelques cerfs ! Enfin, cela ne fait que retarder mon retour. Je ne rentre jamais a vide, comme on dit.

Il se frotta la tempe du bout de l'index.

-Ouais, ça...Je me doute bien que vous avez oublier tout ça. Mais que voulez vous, j'adore les steaks saignant. J'en connais une qui vous dirait jaloux de ne plus pouvoir apprécier ces simples petits plaisirs, pour ma part... Je fais ce qui est necessaire. Outre les cerfs, il y a quelques lapins des neiges et j'ai posé quelque piège donc, n'ayez aucunes inquiètudes à ce sujet.

Elle se décida à se lever, dérangée par le froid sans aucun doute. Toutes les créatures de la Vallée, mis à part les Bêtes, souffraient de cet hiver perpétuel qui régnait en maitre. Parfois, il rêvait d'une plage et d'un soleil...de plomb ! La demoiselle se planta devant lui et Maxime remarqua sa tension, bien qu'il ne soit pas agressif, elle restait sur ses gardes. Comme lui en fait. Baissant lentement les yeux, il concidéra un moment la main tendue. Fine et déliée, elle avait dut avoir une peau douce, songea-t-il en remontant les yeux sur son visage.

-Je ne sais pas si le mot « enchanté » est juste, mais...on peut voir ça comme ça. Ravi Sélène.

Fit il sans ironie cette fois en serrant doucement les doigts tendus entre les siens. Reflexe stupide, il ne risquait de lui faire grand mal, mais elle avait l'air fragile et lui pouvait être un poil trop bourrin. Elle s'était donné consistance et il trouva le contact....Etrange. Pas déplaisant, loin de là, mais...Bizarre. Indéfinissable en fait.

-Ancien militaire oui, ça me colle à la peau. Une trève officieuse en ce jour étrange ? Pourquoi pas ! Il est des affrontements qui sont inévitables, mais le temps n'est encore pas venu.

Il scruta les alentours lorsqu'elle avoua n'être pas seule. Et il plissa le nez. Mouais, si il devait se retrouver encadré par trois ou quatre ombres, il n'était pas dans la mouise. Mais pour le toucher, il fallait qu'elles prennent corps et était donc vulnérables lorsqu'elles le faisaient, cela dit, il n'était pas franchement armé pour en affronter en nombre et...Et il préférait de loin continuer cette charmante discution. Qu'elle lui propose une chasse le fit exploser de rire. Discret le rire tout de même.

-Je suis tête brulée au sang chaud, mais je sais reconnaître plus efficace que moi. Vous seriez trop rapide pour moi et, n'ayant aucune consistance, vous franchirez des obstacles plus facilement que moi vu qu'il faut que je les contourne. Cela dit, la célérité d'une balle est supérieur à la votre. Mmmh...Eloignons nous et...Qui sait...Le hasard peut faire les choses merveilleusement bien !

Elle argua que peut être il avait peur et il haussa un sourcil narquois.

-Ma « virilité » ne se sens pas agressée...De plus, je pense que vous etes loin d'être stupide et savez très bien que je n'ai pas peur. Pas plus que vous de moi. Quant à Mary...Je ne sais ce que Vincent à pu vous dire a son sujet...Elle même étant assez peu volubile a ce niveau.

Il haussa un épaule desinvolte.

-Ca ne me regarde pas, j'vous dirais, à elle de faire son beurre, reste à espérer qu'il ne fonde pas trop rapidement.

Lorsque le jeune homme s'aventure à prononcer le nom de Vincent, Selene parut légèrement troublée et son visage s'assombrit quelque peu. Désireuse de n'en rien laisser paraître, elle balaya d'un geste grâcile de la main toutes ses pensées et reporta toute son attention sur le jeune homme. Une légère brise commença à se lever sur la Vallée et lorsque la jeune femme leva le nez au ciel elle vit de sombres nuages s'accumuler au dessus de leurs têtes, présageant au mieux d'un orage et au pire d'une nouvelle tempête de neige. Comme tous les êtres vivant sur ces terres elle n'ignorait pas que la neige était un mauvais signe, celle ci semblant avoir la désagréable habitude de faire surgir les Bêtes que tous redoutaient, aussi Ombres, Chimères qu'Humains. Se mordant légèrement la lèvre supérieure, elle pria pour ne pas croiser la route de l'un de ces monstres.

- " Pardonnez mon "égarement"... Ce qui concerne votre chef ne me regarde pas et, à vrai dire, ne m'intéresse pas plus que cela... mentil elle avec un bel applomb. Le sourire aux lèvres, elle rangea sa dague et s'avançant de quelques pas s'empressa de changer de sujet de conversation : Nous, jaloux de vous ? Qui sait ? Mais s'il y a une chose dont je suis certaine c'est que votre position dans la Vallée ne me pousse pas à regretter de n'être plus des vôtres. Hormis ces Bêtes que nous craignons tous plus ou moins, vous êtes de loin le camps le plus en danger. Entre les Chimères et les miens votre espérance de vie n'est guère des plus grandes ! Cependant... Il se pourrait bien qu'un jour vous aussi Maxime, rejoigniez les rangs de mes frères et soeurs les Ombres. A moins que votre âme ne vole en éclats et que votre rage fasse de vous une Chimère ? Quoiqu'il en soit je suis certaine que ce jour viendra pour vous aussi... Car, que je sache, personne en presque trente ans de présence dans la Vallée, non personne, ne s'est jamais enfui ! "

La voix avec laquelle Selene venait d'asséner cette sinistre mais ô combien réelle vérité n'était ni agressive ni même moqueuse. Au contraire, elle semblait teintée de tristesse et d'amertume. Comme si cette fatalité à laquelle les humains étaient jusqu'à lors soumis la chagrinait plus qu'autre chose.

Remontant le col de son manteau afin de se protéger du froiod qui semblait devenir un peu plus rude depuis quelques instants, elle ouvrit sa main pour receuillir les premiers flocons de neige qui tombaient lentement du ciel. L'air soucieux elle dit :

- " Il neige... Nous ferions mieux de nous presser et d'aller vérifier ces fameux pièges dont vous m'avez parlé. Si cela continue ainsi bientôt il ne fera pas bon se promener dans ces bois. faisant une allusion à peine voilée aux Bêtes qui risquaient bientôt de sortir de leur tanière, elles aussi à la recherche d'une proie. Venez donc Maxime ! "

A peine eut elle prononcé ces mots qu'elle agrippa la main de cet homme, ce compagnon d'aujourd'hui et sans doutes cet adversaire de demain, et l'entraina à sa suite vers l'autre bout de la clairière. Le froid redoublait d'intensité et la neige tombait de plus belle, couvrant leurs cheveux d'une constellation de scintillants et glacés flocons. Alors qu'ils arrivaient à la limite qui séparait la clairière de la forêt Selene lâcha la main du jeune homme et, sortant sa dague, lui adressa un complice clin d'oeil.

- " Juste au cas où nous serions amenés à faire une "mauvaise" rencontre. "

L'attitude de Selene avait quelque peu changée. Bien qu'elle se montra des plus aimables envers Maxime, les traits de son visages s'étaient quelque peu tendus, son regard lui plus perçant et chacun de ses sens semblaient être en alerte. La peau de la jeune femme redevint à nouveau légèrement translucide mais non transparente afin que son compagnon puisse toujours la voir. Son instinct de chasseresse et de prédatrice refaisait peu à peu surface et Selene restait sur le qui vive, prête à bondir sur le premier ennemi qui se présenterait.

Alors qu'elle repensait à chacune des paroles qu'ils venaient d'échanger, une drôle d'idée germa dans la tête de la jeune femme et elle ne put s'empêcher de poser cette question qui lui brûlait les lèvres :

- " Dites moi... Pourquoi ai je l'impression que votre attitude vis à vis d'une Ombre comme moi n'est pas entièrement dûe à votre courage ni même à cette capacité que vous semblez avoir de vous maitriser ? Se pourrait il que vous ayez déjà noué ce genre de "contact" avec l'un des miens ? "

Tout observateur qu'il était, Maxime avait noté le très léger changement d'humeur de l'Ombre lorsque le prénom de Vincent fut cité. Il n'avait croisé le Chef des Ombres qu'une fois, avec une gamine d'ailleurs. Cela dit, il n'avait pas d'avis arrêté sur lui, trop occupé par la tiote qui avait eu une petite fringale. Il n'avait jamais levé la main sur une gosse, mais là, il avait été a deux doigts de le faire. Du coin de l'oeil, il remarqua l'amoncellement de nuages gris et cotonneux.

-C'est pas vrai, cette foutue Vallée a décidé d'être chieuse...

marmona-t-il en suivant Sélène qui d'ailleurs bifurquait sur un autre sujet que Vincent. Ce qui eut pour effet de confirmer son impression première. Bah, ça le regardait pas, et il n'allait certainement pas interroger l'Ombre à ce sujet. Mais quelque part, même si Elles arguaient leur absence de « coeur », il n'y croyait pas. Desespoir oui, pour beaucoup d'entre Elles mais, il arrivait que des sentiments bien humains les secouent. Y avait qu'à voir Mirahil devant cette boule de pus qu'est Chahîd.

-Y a rien à pardonner, de toute manière si un jour vous voulez la connaître, je vous suggère de prendre rendez vous.

Ironisa-t-il sans qu'elle n'en soit la cible d'ailleurs. C'était plus de l'autodérision qu'autre chose. Il lui coula un regard en coin lorsqu'elle évoqua les différents clans de la Vallée et sa bouche se tordit en un sourire cynique.

-Je vais vous dire. Je suis pas du genre à me laisser couler dans le desespoir, mais plutôt dans la rage. Donc, met avis que si je devais crever demain, j'aurais tellement la hargne que je virerais Chimère à poil ras. M'enfin, c'est pas pour maintenant. Il nota son amertume et durant quelques minutes, il s'interogea que ce qu'elle avait vécu en étant humaine, comment glisse-t-on insidieusement dans les bras d'une tristesse sans fin ? Il répondit avec une détermination si caractèristique chez lui. Et...Il y a une première fois à tout. Qui sait, je serais peut être le premier a sortir de cette merde. Enfin, en attendant, mon coeur bat toujours et je suis allongé sur un lit d'hosto. C'est juste une question de volonté.

Il haussa une épaule, comme si il soulignait une évidence et suivit la jeune femme lorsqu'elle le poussa a se dépêcher. Se portant à sa hauteur, il la vit sortir une dague et laissa ses lèvres s'incurver doucement devant son clin d'oeil. Il savait parfaitement à quoi elle faisait allusion, pas besoin d'avoir fait l'ENA.

-Ouais, je suis pas sur que ça suffise. Mais je ne sousestime pas votre combativité pour autant. La course est, paraît il le meilleur moyen de leur échapper en espérant trouver un endroit où elles ne peuvent entrer. Je suis persuadé que la Vallée doit se bidonner en se fouttant notre poire lorsqu'elle les lâchent.

Malgré lui, il calqua son attitude sur celle de sa voisine et déclipsa le cran de sécurité de son arme. En plus, il ne lui restait que peut de munition, il faudrait qu'il s'en fabrique. La poisse ! Un coup d'oeil surpris accueillit les paroles suivantes de Sélène et Maxime hésita un instant. Il se massa la nuque en regardant le ciel en colère avant d'ouvrir la bouche.

-Ce genre de contact ? Vous savez la première chose que j'ai vu en ouvrant les yeux fut une Ombre. Sympa comme rencontre hein ? Je ne peux garantir que notre relation est amicale, elle est...Etrange, c'est certain. Mais je lui dois la vie, aussi, étant un peu de la vieille école, elle y a gagné mon respect et , si elle a un problème, elle sait qu'elle trouvera un allié en moi. Je sais qu'on est censé se massacrer à vue mais j'ai jamais aimé suivre aveuglement les ordres. Je suis peut être un soldat mais pas un bon toutou à sa mémère.

Répondit il en scrutant les alentours. Nom de dieu ! Ils auraient interet à faire vite le tour des piège ou c'était se retrouver coincés par une tempête de neige. Il bifurqua sur la droite, s'enfonçant dans les bois à l'opposé des hurlements des cerfs.

-Venez, j'en ai posé par là et c'est la direction opposée à vos potes.

La suite se déroule dans la forêt

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