Histoire:
- T’es qu’un looser.
- Ouais un raté… tu ferais mieux de crever sérieux…
Ils disent que c’est moi le looser, ils le disent tous mais maintenant je m’en fous, car moi j’ai jamais rien eut à prouver à personnes et puis vu leurs résultats scolaires je me dis finalement que je suis pas le plus con de l’histoire, oh ça non…. Et pour finir je suis bien comme je suis. Ouais sérieux, ça paye pas des masses mais c‘est un job à plein temps et j‘en suis fier. J‘ai jamais eut de problèmes avec mon identité mais eux ils ont un problème avec moi.. A l’instant que je vous parle, je viens de prendre une décision, de faire un choix et je sais pas si vous comprenez mais pour moi ça représente énormément de choses parce que depuis mes 5 ans, depuis que je subis ça ben j’ai toujours fermé ma gueule et en rentrant chez moi comme ça, ça allait toujours bien pour ma mère. Au final, mes résultats scolaires ont finit par se stabiliser sur le 10 réglementaire quand je suis arrivé au collège et même si il y a des jours où c’est vraiment horrible, ça a plus jamais changé. Parce que je me suis habitué à tout ça et que je me suis toujours dit que me rebeller ça servirait qu’à engendrer quelque chose de pire. Et puis me rebeller pour quoi faire hein ? Genre je suis de taille, genre je vais pouvoir m‘acheter moyennant 324 gold l‘épée HV-04 et leur déboîter la face en les disant de m‘appeler Will et de me respecter… Ca peut pas marcher, j’ai pas 324 gold sur moi. Et j’ai pas envie d’aller me plaindre à un prof ou au dirlo parce que c’est pas leurs soucis et qu’ils vont juste s’en foutre en essayant de me faire croire le contraire. Mais aujourd’hui, j’ai pris cette décision et j’aurais dû écouter ma mère quand elle me disait que parfois j’avais vraiment pas de chance.
- Tu n’as pas de chance. Mais c’est pas grave je t’aime quand même…
- Ouais mais moins que moi hein ‘man ?
Arrête de me regarder avec ces yeux c’est vrai en plus !
Pour vous dire, ça a commencé avant ma naissance. Mes parents se sont mariés je sais même pas comment parce que tout les opposait, en commençant par leur caractère et leurs désirs communs. Le divorce a heureusement réglé ça et franchement j’en suis bien content aujourd’hui parce que déjà qu’ils sont insupportables les deux à l’autre bout de l’Allemagne, imaginez les dans la même pièce. Non essayez pas hein. Enfin vous pouvez pas imaginer vous les connaissez pas… Disons que mon père c’est Lex Luthor. Et ma mère… une hippie déphasée sur-protectrice biologiste avare et jolie. Donc ça a commencé avant ma naissance parce que ma mère adorait les trucs fantastiques et elle est tombée total grave amoureuse d’un mec qui jouait dans un film que j’ai jamais vu mais qui a l’air d’être totalement débile appelé Willow. Bien sûr, c’était pas le nom du mec en question mais juste parce qu’il était particulièrement splendide dans ce film on m’a donné le nom d’un espèce de nain de jardin faussement héroïque qui a simplement sût jouer correctement les baby sitter. Ouais je l’ai jamais vu mais les quelques recherches que j’ai fais sur Google m’ont largement suffit. Voilà, Willow, Will pour mes amis sauf que j’ai aucun ami alors mon Pèlerin de l’Azur s’appelle Will. Logique n’est-ce pas ? Au moins la foule acclame mon nom… enfin la foule de paysans et je sais que je devrais pas mais ça me fait du bien de les voir sur l’écran à chaque fois que j’arrive et de me dire que moi je suis arrivé au niveau 75. Pas comme les deux autres faces de fion qui essayent de faire de ma vie un enfer. Qu’ils coupent Internet et ils devraient y arriver. Ma mère parfois elle est plus terrifiante qu’eux. J’adore ma mère.
- WILLOW ! RANGE TA CHAMBRE OU JE TE JURE QUE J’EXPLOSE TON ORDINATEUR AVEC LA BATTE DE BASE BALL DE HEINRICH !
- ‘man je l’ai plus la batte. Tu l’as déjà pété…
J’ai grandis en Allemagne, je continue toujours enfin je risque pas de continuer très longtemps vu l’allure à laquelle ça arrive mais on va continuer de faire défiler le film de ma vie parce que ça a l’air de vachement vous intéresser. Je suis ironique hein. Je prends ça disons pour une formalité d’usage et on va dire que ça m’aide à faire le point avant d’arriver devant le Tout Puissant qui est puissant de rien du tout à mon avis vu que c’est même pas lui en direct live qui bannit les joueurs de la Planète Terre mais bref passons… Oh putain vu ce que je viens de sortir je suis bon pour l‘Enfer. Euh… on va dire que le Seigneur est grand dans sa bonté, 'truc du genre... Donc. Je suis allé à l’école oui bien sûr et je crois que c’est là que ma vie a commencé à prendre un virage en tête d’épingle que j’ai évidemment manqué. Moi j’ai continué tout droit, malgré ma lenteur d’escargot et je me suis mangé le ravin. A l’époque ouais bon j’étais un gosse de 5 ans déjà perdu dans son monde. Je dessinais des aliens parce que je trouvais ça cool et j’étais prêt à jurer sur la vie de ma mère qu’E.T. c’était mon meilleur pote. Maintenant que j‘y pense, vu le nombre de conneries que j‘ai juré sur la vie de ma mère, elle risque d‘avoir des ennuis quand ça sera son tour d‘y passer… Ouais non on s‘en fout de ça donc je disais… Ouais je sais: E.T mon meilleur pote. Après je me suis mit à adorer les chevaliers et à dessiner des histoires assez glauque où je tranchais la tête de E.T. Ouais on s‘est disputé… ou alors c‘est parce qu‘à cause de lui on m‘a plongé la tête dans le bidet… j‘en sais rien, un truc de gosse quoi. Ca m’a valu un rendez vous chez le médecin scolaire puis chez un psychiatre pour enfant ainsi que la méfiance teintée de dégoût de mes petits camarades de classe. Question fidélité, on s’est suivit, avec bien évidement les déménagements d’usage pour certains, ou le classique changement de classe, jusqu’à la 3ème.
- Willow eh Willow t’as fais le casting de Buffy ?
T’étais pas assez convainquant en rousse ?
- Eh Willow il va comment E.T. ? Hein ? Il te téléphone souvent ?
C’est quand que tu pars le rejoindre ?
Arrivé au lycée je croyais sincèrement que tout irait pour le mieux vu que la majeur partit de mes anciens collègues de cours étaient dans d’autres classes mais… ça a lamentablement raté. J’étais en première année et j’ai attiré leur attention, je sais plus trop comment. Ils ont peut-être entendu parler de mon exposé en Science Civique sur l’influence des jeux de rôle dans notre quotidien… ou peut-être c’était juste ma tronche qui leur revenait pas. Ma tronche d’invisible qui a été comment un voyant fluo le jour où ils m’ont aperçu. Deux pauvres types, deux terminales qui ont passé l’année à m’en faire voir de toutes les couleurs. Surtout du rouge, quand ils avaient une mauvaise note mais ils m’ont toujours remercié de leur servir de punching-ball. C’est vrai, ils auraient pût faire bien pire que ça sur le coup de la frustration et j’ai donc joué un rôle disons mineur mais qui a son importance dans leur quotidien. Je me suis fais enfermer une nuit dans les toilettes du lycée, ma mère a appelé les flics en ne me voyant pas rentrer. Ils m’ont foutu à poil dans la salle de cours juste avant que mon prof n’arrive. Il m’ont piqué du fric, mon dernier Ipod, mon portable, ils m’ont harcelé au téléphone via une cabine téléphonique avec ma propre carte qu’ils m’avaient piqué. Ils m’ont ridiculisé en pleine pause de 10h et à la cafétéria un nombre de fois incalculables. Ils m’ont obligé à faire leurs devoirs pendant environ un mois jusqu’à ce qu’ils découvrent que j’étais aussi nul qu’eux et que des travaux de terminal ben c’était franchement pas mon fort. Et ils m’ont fait piquer un ordinateur du Centre de Documentation du Lycée avant que je ne me fasse choper par le directeur en personne ce qui m’a valu deux semaines d’exclusion.
- T’oublie pas… Tu dis quelque chose
et y’aura un merdeux de moins sur cette planète…
- Alors tiens ta langue. Ca vaudra mieux.
Entre temps, ma mère se demandait si une thérapie ne serait pas mieux pour régler mes soucis comme elle les appelait et elle me demandait chaque soir si tout se passait bien à l’école. Dingue comme une mère si prévenante peut être totalement aveugle face au désarroi de son fils. Enfin c’est pas comme si je l’ouvrais tout le temps non plus. Mon petit frère ne posait pas de questions et avait ses propres emmerdes je crois avec son propre père, un ex beau père qui n’était resté à la maison le temps d’engrosser ma mère avant de la plaquer si je me souviens de toute l’histoire. Et puis sérieusement, qu’est-ce que vous voulez qu’un gosse de 12 ans s’intéresse à tout ça. Pour lui aussi j’étais en quelque sorte un total looser alors bon… Il devait quand même s’estimer chaque soir heureux de n’avoir dans les gênes que ceux de ma mère en commun avec moi. Ouais… ma vie c’était comme qui dirait un calvaire mais on va dire que grâce à ces deux cons j’ai gagné une certaine notoriété sur Internet vu les vidéos de moi qu’ils ont publié… Alors pourquoi ce jour là vous allez me demander. Pourquoi alors que dans une semaine j’allais enfin être en vacances et certainement débarrasser d’eux pendant disons deux mois complet. Pourquoi… J’en sais rien pourquoi. J’ai juste eut envie de changer, de faire un truc quelque chose. Mais les changements c’est pas pour moi, ça je l’ai toujours sût. J’aurais dût laisser faire comme d’habitude. J’aurais dût.
- Attends sérieux t’es sûr de ton coup ? Je le sens pas mec…
On devrait peut-être y réfléchir…
- Y’a rien à craindre ! On est pas dans le lycée.
Cette voiture est à mon vieux et puis on va freiner avant !
On va juste lui flanquer la frousse de sa vie à ce merdeux.
Voilà. C’est moi. Un mec de 16 ans qui sort de son lycée comme toujours. Je passe le portail. J’ai les écouteurs dans les oreilles et je crois que j’écoute un tube de Depeche Mode. Quelque chose dans le genre. Je ne m’en rappelle jamais très bien. Le temps est parfait. 25°C, un soleil à peine caché par quelques nuages et ça sent déjà les vacances. Les fringues des filles se raccourcissent mais c’est juste de l’ordre du fantasme car je risque de m’en prendre une si je commence à mater. J’arrive sur le trottoir en fixant le bout de mes semelles puis je jette un vague coup d’œil à gauche puis à droite et je commence à traverser. La rue est plutôt grande en face de mon lycée et y’a même un arrêt de bus au coin. Je prends le bus pour rentrer chez moi maintenant alors que j’habite pas très loin. Mais j’imagine que vous devinez pourquoi. J’ai un sac tout léger dans mon dos car j’ai rendu mes bouquins ce matin. Tiens la documentaliste m’a lancé un regard noir au fait. Ca va, c’est pas comme si les ordis lui appartenaient vraiment non plus. Je marche à pas lent comme d’habitude, je prends mon temps, je me sens bien. Je vais rentrer chez moi, avancer peut-être d’un niveau avec quelques combats, manger un sandwiche parce que ma mère a réunion ou alors me commander une pizza. Je materais un film avec mon frère. Ouais c’est une bonne journée et je me sens plutôt en forme. Ca va. Puis y’a un truc noir, ce truc noir avec 4 roues et deux cons à l'intérieur qui arrive à ma gauche. Et je sais que je suis dans la merde.
- Tu devrais ralentir… eh mec sérieux ra…
- LA FERME ! Je sais ce que je fais…
oh putain la tronche qui tire c’est trop morteeeeeel !
J’y connais rien en bagnole mais celle là c’est une belle Volvo. Et je sais qu’elle doit appartenir au père de l’un d’eux car ils ont pas le permit. Et quand je tourne la tête j’arrive à voir leur expression. Même de loin. C’est un mélange de peur mais aussi d’excitation. Parce qu’ils savent qu’ils font une grosse connerie et c’est devant les portes du lycée. Et ils ne doivent même pas se prendre au sérieux. Ils roulent juste vite et leur objectif c’est moi. Ils me connaissent. Et ils doivent avoir vu quelques films. Eh maman maman regarde les ! Eux aussi ils savent pas faire la différence entre la réalité et la fiction. C’est trop mdr tu trouves pas ? C’est moi qui passe mon temps devant l’ordi ou la télé et c’est eux qui sont entrain de me foncer dessus en bagnole comme si c’était pas grave ou alors j’en sais rien, comme si c‘est moi qui en vaut vraiment pas la peine... Et… Et j’ai pas de poche avec du ketchup sur moi pour simuler le sang. Y’a une fille qui crie derrière moi. Ils savent que je vais pas bouger. Je fixe la voiture arriver et je crois que j’écarquille les yeux. Je crois que j’ai peur. Et je crois que c’est à ce moment que je me dis que je dois prendre une décision. Alors je décide de bouger. Et je vois que leur expression change. Mais celle là je la vois déjà plus. Parce que j’ai baissé la tête. Et parce que j’ai continué à traverser la rue. Et j’ai presque pas accéléré le pas. Et j’ai entendu malgré la musique le crissement des pneus. Et je me suis demandé si en fait ils n’avaient pas eut l’intention de freiner dès le départ. J’ignore s’ils en auraient eut le temps. La voiture a pillé net et moi j’entends quand même le klaxon. Je viens de rater le bus. Enfin pas vraiment.
- OH PUTAIN DE MERDE FREINE JE TE DIS FREINE !
- JE CONDUIS PAS LE BUS !
C’est le choc. Et la violence est telle que je fais un vol plané sur 20 mètres. Mon corps se tourne dans tout les sens, comme si je n‘avais plus de colonne vertébrale. Je sais même pas comment ça se fait que ma casquette soit restée en place. C’est drôle, je ne sens pas la douleur. Par contre le choc retourne mes poches et ma petite monnaie s’éparpille encore plus loin. Et mon Ipod se fracasse au sol avec mon portable un peu avant. Et moi je vois que le sol se rapproche. Je sens que ma mère va m’engueuler. Elle va trouver le moyen de dire que j’ai pas assez fait attention en traversant. Et j’ai un goût de sang dans la bouche. Et mon bras est bizarrement tordu. Et puis je n’arrive plus à respirer. Il y a comme un poids sur moi. Et puis c’est comme au ralentit. Un excellent ralentit de film. Et je pense que ma mère avait raison de me dire que j’avais pas de chance. Je me dis aussi que le bus a intérêt à freiner ou je vais me faire rouler dessus. Je me demande si ça fera mal quand je vais retomber. Je dis adieu à ma séance de jeu en ligne du soir. Et au sandwiche ou à la pizza. Et aussi au film avec mon frère. Et puis je crois que je me suis dis que ça serait con de mourir comme ça. Mais peut-être que c’était la seule fin possible. Mais là je vais pas mourir juste un temps. C’est pas comme se déconnecter. Ou faire reset. Je vais mourir. Ou alors j’ai envie de penser à tout ça. Mais j’ai pas le temps. Ou je suis déjà ailleurs. Je tombe sur le sol. J’ai déjà les yeux fermés. Et j’ai jamais pensé au suicide moi. Ou si peu. Et il faut vraiment que ça finisse comme ça ? On peut pas mettre sur pause ? Et ça crie encore. Des pneus ou la fille. J’en sais rien. C’est comme ce jeu en maternel avec Jacques mais on m’a jamais laissé jouer…
- Tu crois qu’il est mort ?
Dieu a dit Game Over.
- Ouais… ouais je crois qu’il est mort…